Au clair de la lune... [ PV Martin]

La nuit...c'était le moment de la journée que la jeune femme préférait. La nuit laissait place au silence, à la quiétude. Fini les hurlements des marchands de poissons, finit l'agitation des carrosses et de la populace qui grouillait durant la journée. Les odeurs agressives s'estompaient avec la venue de la fraicheur, rendant l'air beaucoup respirable...moins vicié. Myléna aimait la journée pour les différents larcins qu'elle pouvait commettre, les gens pressés les uns contre les autres ne faisaient pas attention à leurs poches et la belle rouquine pouvait œuvrer sans trop de mal.
Le temps avait passé depuis l'épidémie de grippe qui avait emporté sa famille d'accueil...en revanche la jeune femme arrivait à s'en sortir seule. Ce n'était pas simple tous les jours mais Myléna était une farouche humaine qui ne laisserait pas la mort s'emparer de son âme si facilement.

Elle déambulait ce soir-là dans le centre-ville...ce n'était pas très prudent car les maraudeurs n'étaient jamais bien loin. Chaque matin on retrouvait des cadavres de femmes ou d'hommes aillant fait de mauvaises rencontres durant la nuit. Mais Myléna était une gamine des rues et elle se sentait dans son élément...parmi les rejetés de la société...les gueux ne s'attaquaient pas entre eux. Elle était prudente tout de même! La belle rouquine était seule dans la ruelle déserte, le sourire aux lèvres. La nuit était vraiment son moment préférée.

Il faisait lourd et la jeune femme n'avait pas jugé bon de porter une laine supplémentaire sur sa robe. Il n'y avait malheureusement pas un souffle de vent. Ses longs cheveux ardents flottaient joyeusement derrière ses frêles épaules, Myléna avait vraiment l'air d'un spectre dans sa longue robe...son teint de poupée de porcelaine semblait se couvrir d'un léger halo de lumière lorsque les rayons de la lune se reflétaient sur sa peau. Etait-ce un ange? Ou alors une créature d'outre-tombe? Non...elle n'était qu'une simple humaine que la nature avait paré de bien beaux atouts.

Myléna errait sans but précis, profitant du calme pour faire le point sur sa vie tout en contemplant les étoiles. Elle tourna alors brièvement la tête pour apercevoir un vieux poivrot se faire sortir sans ménagement de la taverne voisine. Proférant des remarques assassines à l'égard de la gérante de l'endroit. Cette vision arracha un petit sourire à la belle rouquine...c'était visiblement les mêmes scénarios qui se tenaient à chaque coin de rue...concernant toujours les mêmes types de protagonistes.
La jeune femme se sentit alors étrangement oppressée...une sensation indéfinissable avait envahi l'humaine. C'était...comme si une personne la suivait. Faisant comme si de rien n'était, la belle imprudente tourna tout de même furtivement la tête afin de pouvoir regarder par-dessus son épaule.
Mais personne...l'endroit était désert, rien ne la suivait. Pourtant la sensation ne semblait pas la lâcher! Myléna en était persuadée, quelqu'un la suivait et était suffisamment habile pour ne pas être vue. Qui? Qui pouvait bien la prendre en chasse alors qu'elle n'était qu'une petite fille du peuple...une fille sans histoire?
Sa main pâle et douce agrippa alors une petite lame qu'elle serra contre son coeur. Si on décidait de s'en prendre à elle, l'individu ne serait pas déçu du voyage. Myléna apparaissait comme étant quelqu'un de très frêle et fragile mais la dureté de la vie l'avait poussé à ne jamais se laisser faire...à toujours mordre avant d'être mordue.

L'individu ne se montrait toujours pas...Myléna se mit alors à penser qu'elle se faisait peut-être des idées? Qu'elle devenait folle? Quoi qu'il en soit, la jeune humaine ne se doutait pas de la nature de l'inconnu qui l'attendait, elle ne savait pas quel prédateur s'était lancé sur ses talons.

Martin venait de voir la nuit tombée, un sentiment de soulagement pour lui qui attendait avec impatience le moment de pouvoir dîner. La journée avait été plus longue que les autres à ses yeux, serait-ce par son manque de sang frais ? Probablement, il faut dire que la nuit dernière n’avait pas été rassasiante, une pauvre humaine, pas très fraiche, juste à peine pour un dessert malheureusement. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas trouvé de jeune et fraiche demoiselle dont le sang y était des plus succulents. Il faut dire qu’à force de les déguster, elle n’était plus légion dans ses contrés pourtant si fréquentées qu’étaient la capital.

Il décida donc de quitter le château afin d’aller rôder, comme chaque nuit, dans les rues sombres de paris. A cette heure il n’y avait plus tout ce brouhaha, tout ce monde en train de courir après leurs montres ou leur argent. Un calme qu’il appréciait particulièrement, parsemé de quelques beuglements provenant de quelques personnes un peu trop atteinte, pour qui il était tant d’aller dormir. Il marchait d’un pas lent et sûr, sur les hauteurs des allées. Il n’était pas question d’aller au milieu, là ou les gueux et le petit peuple marchaient d’habitude. Il valait mieux que ca et il tenait à son rang tout autant qu’a son argent. Il n’aurait pas donné un sous à un de ses misérable humain mendiant et perdant à chaque instant un peu plus de leur dignité. D’ailleurs par expérience ses pauvres gens, affamés et sales n’étaient jamais bon a croquer, valait mieux encore manger un bon lapin tout chaud a peine sortit du terrier. Une chasse qui lui permettait d’ailleurs d’être rassuré quand a sa vitesse une fois lancé a la capture d’une proie. Le jour où il ne pourrait plus les chasser, il valait mieux qu’il se tue lui-même, pas de place pour les faibles dans ce monde selon lui.

Quoiqu’il en soit le temps passait, les rues défilées et à part quelques pauvres poivrots préférant noyer leur malheur dans l’alcool plutôt que de s’en sortir, il n’apercevait rien. Prêt à se résigner et se diriger vers une forêt pas si lointaine, il aperçue une jeune fille, enfin plutôt mal vêtu et sale mais une jeune fille tout de même. De dos cette dernière avait l’air plutôt méfiant mais quelque peu sûr d’elle. Une longue chevelure d’une couleur braise abimée du fait de son rang surement, quel gâchis. Sa curiosité mise en allène tout comme son appétit, il se mit à la suivre afin de trouver le moment propice pour l’approcher de plus prés. Il ne fallait pas l’effrayer sans quoi il ne la retrouverait pas. Il avait beau être rapide, ses jeunes humains étaient très malicieux et se faufilaient n’ importe où, entrainés des leur plus jeune âge a échapper à toute sorte de personne pour survivre.

De sa longue robe noir et son capuchon masquant son visage, Martin était facilement dissimulable sous cette pénombre parisienne, a peine quelques lueurs ne suffisaient pas a le démasquer. Il avançait prudemment afin de ne pas attirer de soupçons chez cette jeune personne qui devait être méfiante par nature au vu de sa démarche. Là voilà qui tournait discrètement la tête, de justesse cette fois ci, a peine le temps de faire un pas sur la gauche et profiter d’un coin de ruelle pour se cacher. Même si elle ne l’avait pas vu, elle allait surement, par prudence, commencer à accélérer le pas puis tourner a un endroit et il la perdrait.

Il accéléra donc le pas, marchant sur son coté gauche, au plus haut de la ruelle bien évidemment la laissant au milieu. Faisant mine d’être en retard de part ses petits gestes de main ou sa démarche, il voulait lui faire croire qu’il n’était pas là pour elle. Voilà comment cette chasse commençait à le mettre en joie, il ne s’était pas amusé comme cela depuis quelques semaines, un peu d’action lui manquait d’ailleurs histoire de ne pas se rouiller dans la routine. Arrivé a sa hauteur il se stoppa soudainement, tourna les talons vers la jeune fille, la tête baissée, masquant ainsi son visage et laissa échapper quelque mots d’entre ses lèvres

« Vous m’avez l’air affamée et un peu sale, que diriez vous si je vous offrait l’hospitalité ? »

Il avait choisi de l’amadouer plutôt que de passer a l’action directement. Il ne se sentait pas ce soir d’agir brusquement au risque de se faire attraper et bruler vif. Ils étaient arrivés dans un quartier encore trop vivant pour qu’il puisse agir comme a son habitude. Il espérait et comptait sur une réponse positive qui de toute façon était presque certaine, il ne voyait pas une personne comme elle refuser une telle offre. Cela le chagrinait de devoir jouer au gentil, dépenser quelques sous pour elle mais l’appelle su sang frais et délicieux était plus fort que son avarice.

Myléna sentait que la sensation oppression continuait d'augmenter au fur et à mesure qu'elle avançait dans la rue. Grand Dieu...qu'est-ce qui pouvait bien la poursuivre comme ça? Jamais encore, la belle humaine n'avait ressenti ça. Pourtant de nombreuses fois celle-ci s'était retrouvée poursuivit par un vieux crouteux en manque d'affection! Mais là c'était différent...la jeune femme n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Sa main se resserra alors un peu plus sur le manche de son poignard...d'ordinaire il lui servait à éplucher les fruits et légumes voir dépecer le rare gibier qu'elle parvenait à voler mais en aucun cas pour se défendre. Eh bien, la belle venait de trouver une nouvelle utiliser à cette arme dérisoire ô combien rassurante pour celle-ci.

C'est alors que des pas plus marqués de firent entendre...des provenant de quelqu'un de pressé. Puis un individu passa à sa gauche, usant de mimiques typique des personnes agacés par un retard certain. La jeune femme regarda alors la personne qui marchait à vive allure et remarqua alors son physique...et reconnu tout de suite son statut social grâce à ses vêtements. Que faisait un homme de la haute société dans ces quartiers plus ou moins bien fréquentés? Il voulait se faire tuer et détrousser? Etait-il suicidaire? Cet homme n'était clairement pas saint d'esprit de se promener dans ces rues si tard...pas étonnant qu'il soit pressé!
Peut-être était-ce une excentricité de riches? Les hautes gens avaient parfois de ces idées étranges...cela ne manquait pas d'agacer profondément la jeune citoyenne! C'était bien une idée de riche de se lancer dans ce genre de défis...comme si les rues de Paris représentaient pour ces gens-là, une fosse aux lions qu'il fallait traverser sans se faire tuer!

Haussant les épaules, la jeune femme préféra ne pas accorder d'attention face à ce freluquet. Myléna n'aimait pas vraiment les bonnes gens…ils passaient leur temps à leur cracher dessus comme s'ils étaient des quantités négligeables. Mais était-ce de leur faute s'ils n'étaient pas nés du bon côté? Le destin a voulu que Myléna fasse partie du petit peuple mais il aurait pu en être autrement! C'est alors que la voix du riche lui parvint aux oreilles. La jeune femme ne put s'empêcher de froncer les sourcils...oui elle n'était pas richement vêtu et oui elle était sale mais au moins elle avait le mérite d'avoir eu un minimum d'éducation à savoir, le respect...ce que ne possédait pas son interlocuteur visiblement!

"Pardonnez ma conduite mais...votre proposition est très incongrue...est-ce dans vos habitudes de proposer à la première venue l'hospitalité alors que vous ne la connaissez pas?"

La voix de Myléna raisonnait comme douce mélodie. Si elle avait été n'importe quelle guenon peut-être aurait-elle accepté aveuglément la proposition de ce gentilhomme mais la jeune femme était d'un naturelle très méfiante. Toute sa vie on l'avait utilisé, maltraité, abusé...alors forcément, des mécanismes de défenses se mettent en place. La proposition du "lord" était étrange...enfin du point de vue de la jeune gamine des rues.
En revanche la jeune femme s'était montrée courtoise et polie vis à vis du noble qui se tenait devant elle.

"Excusez-moi mais je ne souhaite pas vous imposer ma présence dans vos quartiers...comme vous le dites si bien, je suis sale et risquerais de contaminer votre mobilier...A présent excusez-moi."

La jeune femme se contenta de regarder froidement l'homme qui se trouvait devant elle, prenant soin de détailler l'apparence de son visage. Ses traits était d'une rare finesse...il était tout simplement beau...voir magnifique. Le plus intriguant était probablement la couleur de ses prunelles...rouges sang. Couleur peu banale pour un être humain! Après une petite révérence, la jeune femme bifurqua dans une ruelle afin de reprendre sa route tranquillement.

Martin savait qu’elle n’accepterait pas si facilement, mais de là à le remettre à sa place, une citadine ! Non mais il n’en croyait pas ses oreilles si ses yeux ! Comment osait-elle le traiter ainsi. Lui pardonner sa conduite, certainement pas, il ne lui permettait pas. Et puis n’importe quelle personne de son rang aurait accouru à une telle proposition, qui était-ce que cette jeune effrontée a la chevelure de feu ?! Là voilà maintenant user de bonne manière et même de satire envers le marquis. Le monde était il devenue fou ? Elle aurait été pendue pour moins que ca si elle avait agie ainsi devant le roi de France ! Les personnes se devaient de se tenir à leur rang, et point. Il n’était pas question qu’une simple gueuse ose affronter un marquis, qui plus est un marquis vampire. Elle ne savait malheureusement pas ce qu’elle venait de faire en lui parlant ainsi.

Elle commençait à s’éloigner, Martin la guetter d’un œil rouge sang, cette sensation de plaisir à la chasse ne faisait que grimper a son apogée. Rien de plus délicat qu’un sang bouillonnant de rebellions, un sang si chaud, si délicieux. Il s’en léchait déjà le bord des lèvres. Il prit soigneusement le temps de réfléchir, l’observant s’éloigner petit à petit pour enfin disparaitre. Ce qu’elle ne savait pas c’est que le jeune Vanderkan n’avait pas que des yeux et que son odora était maintenant prêt à la suivre n’ importe où. L’avoir fait parler lui avait permis entre autre de mieux pouvoir l’identifier ensuite et la suivre. Si elle avait sue, elle aurait courue aussi vite qu’elle pouvait, cependant elle était surement loin de se douter de ce qu’il l’attendait.

Martin attendit donc qu’elle disparaisse pour bifurquer à son tour et la suivre dans des rues parallèles. Il tourna brusquement et se retrouva en face d’elle, au milieu cette fois ci, de sorte a lui montrer qu’elle ne s’échapperait pas cette fois. Son désire était plus important que son statut a ce moment même. Il enleva son capuchon afin de laisser cette citadine, observer son regard, ses yeux rouge comme le sang. Laisser la peur s’emparer d’elle jusqu'à ce qu’elle en soit tétanisée. C’est bien sur cela qu’il comptait afin de pouvoir l’approcher à sa guise. Il comptait ensuite l’emmener dans un endroit plus propice à la suite des événements dont elle n’était pas prête d’en oublier un seul morceau. Pouvait-il se considérer comme un bienfaiteur simplement pour le fait d’aider les gens à avoir une vie meilleure ? C’était bien une idée qui lui passait pas la tête en observant cette jeune citadine, décider à se battre pour une vie meilleure. Pourtant il fallait le reconnaitre c’était bien la première fois qu’il observait une tel ténacité chez une personne de son rang. Peut être que si il était resté ce jeune homme qui n’avait qu’une idée en tête c’était d’aider les autre il lui aurait tendu la main mais il n’était plus celui là, il avait changé. Une once de regret s’empara de lui, c’était bien exceptionnel, de naturel froid et impitoyable, le voilà qu’il s’adonnait a la compassion.

S’il ne faisait pas quelque chose rapidement, elle s’enfuira et il ne pourrait pas la rattraper cette fois. Il devait agir, il ne devait pas laisser transparaitre son hésitation. C’était ca le secret dans la vie, ne pas hésiter, ne pas se décider quand il est trop tard. Il regarda autour de lui, personne. Pas une lueur autour de lui, une simple lampe au bout de la rue de quoi éclairer péniblement sa proie. Il plaça un pied en arrière et s’élança subitement. En quelque instant il était a la hauteur, sur son coté gauche. Il prit le temps de laisser s’échappait quelques mots

« Tu aurais du accepter »

Puis il porta un coup à sa nuque avant de précipiter son autre bras devant elle pour la rattraper. La voici inopérante, il pouvait à présent aisément la transporter dans un meilleur endroit. Il la plaça sous un bras et se dirigea vers le château. Il n’était pas voyant au sens ou elle pouvait très bien être trop bourrée simplement et puis personne ne chercherait d’histoire a un noble. L’inverse étant plus courant.

Une fois arrivé il la posa sur le sol. Il n’arrivait pas à se décider à la croquer. C’était impossible, elle ressemblait trop a cette petite fille, sa confidente quand il était petit... Trop de souvenir l’envahissait le résignant à agir autrement. Il se dirigea alors vers la douche, la prenant au passage. Il la plaça dans la baignoire et commença à la laver, un savon a la main droite et l’autre main sur le robinet. Contrairement a ce que l’on aurait pu penser il s’appliquait avec soin et délicatesse.

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