« Chaque nuit de pleine lune est source d'infinies souffrances. Chaque nuit de pleine lune est source de profondes craintes. Chaque nuit de pleine lune est source de vains espoirs. Je souffre de ne pouvoir résister à l'injonction d'une Mère cruelle et inaccessible. Je crains d'ôter la vie à l'innocent qui, se pressant, alors que la nuit recouvre de sa noirceur les terres françaises, ne souhaite que retrouver la douce chaleur de son foyer. J'espère à chaque hurlement poussé à l'encontre du Bourreau, à chaque pan de peau entravant mes griffes, ne plus jamais revivre cette éternelle torture... Mais toi que j'ai croisé cette nuit, toi qui me ressembles tant, tu dois le savoir, non ?
Tu es tout ce que je déteste. Tu es tout ce que j'abhorre. Tu es la force brute, la violence. Tu es la grandeur, le pouvoir. Tu es la peur, le désespoir. Tu es l'affrontement, le combat. Tu es l'excès. Tu es l'abus. Voilà treize années maintenant que je te supporte, et tu me ronges à petit feu, tu me détruis. De peur de blesser, je ne puis m'attacher à personne. De peur de tuer, je ne puis approcher quiconque. Je les vois tous, rire et parler ; je les vois vivre, là où je me morfonds. Je subis ton courroux, je subis ton joug, mais c'en est assez maintenant. Il me faut te détruire.
Mère sera ce soir, le témoin d'un affrontement entre deux de ses Fils. Qu'elle voit ainsi, le désastre qu'elle a engendré ; que ses larmes bénissent la misère qu'elle a occasionné. Puissent-elles alors, réparer les souffrances causées. »
" Les autres sont des miroirs qui nous renvoient notre propre image. " Gao Xingjian
« Combien de temps encore le souvenir de notre rencontre restera-t-il en ma mémoire ? Combien d'années dès lors, faudra-t-il pour arracher à mon esprit les réminiscences de votre flagrance délicieuse ? Combien de saisons enfin devront s'écouler avant d'emporter avec elles la grâce de vos traits, l'assurance de votre allure, la beauté de votre âme ?
Dans les eaux troubles de l'Oubli, je distingue encore les vagues contours d'une histoire qui, peu à peu, se fait happer dans les profondeurs de ce fleuve infernal. Je ressens encore le trouble assaillant mon âme tandis que je vous découvrais ; la timide curiosité éveillant mes sens alors que je vous observais ; les vestiges d'une fureur passée lorsque l'on vous fit offense. Je revois encore votre démarche assurée et entends toujours le bruit de vos bottes fouettant le plancher. Je perçois encore les reflets de vos mèches d'or et écoute toujours le son de votre voix porté par le vent glacial de l'hiver. Je vous revois enfin, menant la marche alors que je vous suis, espérant trouver en vos mains ce que personne n'a su m'offrir jusqu'alors.
J'ai souhaité le repos. J'ai souhaité l'accalmie. Dès lors, ma mémoire me fait défaut et je suis pourtant encore là, alors... Pouvez-vous me dire ce qu'il a résulté de notre rencontre, si ce n'est le rappel des tortures passées et les restes d'un espoir brisé.. ?
Voyez comme votre souvenir m'est douloureux. Pourquoi, alors, le chérir autant ? »
" La mort est belle, elle est notre amie ; néanmoins, nous ne la reconnaissons pas, parce qu'elle se présente à nous masquée et que son masque nous épouvante. " Chateaubriand