« Certains tueraient pour vous voir et j'aurais préféré mourir que de vous rencontrer, mon Roi. Je vous ai toujours haï tout comme j'ai haï les hypocrites qui vous adulent et vous adorent.
" Que le roi seulement soupire et tout le royaume gémit. " W. Shakespeare
Ni Vampire, ni Lycan, et tout aussi cruel pourtant, que les deux réunis. Vous êtes humain et incarnez pour nous la faiblesse. Vous êtes Roi, et incarnez pour nous la Grandeur. Oui, vous êtes humain, mon Roi, mais votre âme est aussi souillée que les monstres de votre Royaume. Votre naissance a suffit à faire de vous l'Homme le plus puissant de ces terres et le malheur a fait que l'indulgence ne soit, pour vous, qu'une tare dont vous ne sauriez vous embarrasser. Sous votre joug, le peuple se meurt au gré de vos envies et par peur d'être puni pour une complainte qui saurait vous atteindre et vous déplaire, le peuple geint en silence. Vous êtes, mon Roi, tout ce que j'abhorre : aussi puissant et cruel que puisse être l'animal endormi au creux de mes entrailles, vous ne voyez que vous, et ne faîtes que le mal. Rien à mes yeux ne saurait justifier vos vices : vous vous dîtes sévère. Je vous dis capricieux.
" Mieux vaut entendre parler du roi que de le voir. "
Je bénis le ciel de m'avoir fait connaître la Marquise Lizbeth Catherine Valentyne. Je le maudis pour vous l'avoir fait rencontrer. Pourquoi diable a-t-il fallu que vos yeux monstrueux se posent sur sa silhouette gracile ? Je me méfie de vous mon Roi, et vous savoir aux côtés de la Marquise me ronge à petit feu par peur de voir votre vice gangrener sa pureté. Certains s'indigneront de voir qu'un simple paysan tel que moi ait pu contempler vos beaux habits, détailler votre minois, entendre le son de votre voix sans que ne soit ordonnée la chute d'une tête. Ils me maudissent peut-être, mais je ne me réjouis pas d'avoir croiser votre chemin, et le déplore. Je n'ai que faire de votre cruauté et de vos caprices, mon Roi. Vous ne m'effrayez pas. Non, je n'ai pas peur de vous, mais bien de ce dont vous êtes capable. Je connais la Marquise : vous ou un autre, peu lui importe : elle ne changera très certainement pas son comportement pour vos beaux yeux. Et si cette attitude vous déplaisait ? Je ne sais trop si vous seriez capable de vous en prendre à cette rose blanche, mais je ne puis prendre le risque de vous en donner seulement l'occasion.
" La crainte fit les dieux ; l’audace a fait les rois. " P. Crébillon
Ma faiblesse fut l'instrument de votre audace, mon Roi. Ainsi, pour celle qui m'a accepté en tant que piètre valet, je ne veux que le bien et pour le lui garantir, je me mets à votre entière disposition. Que, lorsque la Marquise vous déplait, son domestique en pâtisse. Qu'il en soit ainsi lorsque ses attitudes blessent votre incommensurable égo. Qu'il en soit de même lorsque ses épines vous heurtent et ses paroles vous irritent, en échange de quoi l'ultime fleur est préservée de vos mauvaises grâces. Suis-je au moins l'objet d'un divertissement certain pour votre noble personne ? Sans doute, sans quoi vous n'auriez très certainement pas accepté cet accord qui nous lie désormais. Vous voir accepter ce marché n'a pas été sans me surprendre d'ailleurs, mon Roi. Une telle requête à votre encontre n'est-elle pas le reflet d'une loyauté - dont je n'aurais d'ailleurs soupçonné l'existence - dont vous n'avez cure ? Elle ne vous est nullement destinée, après tout, et je m'étais figuré que ce qui ne vous concernait pas directement vous désintéressait totalement. Devrais-je me montrer reconnaissant à votre égard, pour ma vie épargnée, pour l'honneur que vous me faîtes à m'accorder un semblant d'importance alors même que le lien qui nous lie ne fait qu'attiser le feu ardent de la haine que je vous voue ? Plutôt mourir que de vous remercier.
" Quand on est roi, que peut-il manquer ? D'être Dieu. " Stendhal
Je me demande... A quoi pensez-vous, mon Roi ? Pour vous, quelles sont les raisons qui m'ont poussé à accepter vos coups sans que je ne m'y oppose ? Me croyez-vous fou ? Me pensez-vous déraisonnablement dévoué ? Vous incarnez le peuple mon Roi, vous êtes son Dieu, et je mérite un châtiment. Pour ce que je suis devenu, pour les abominations que le monstre en moi a perpétré, le mal qu'il a répandu, les morts qu'il a multiplié, je mérite votre courroux et au travers de votre main, celui du peuple. Celui de Dieu. Je me demande... Mon Roi, de par votre main, j'expie partiellement mes péchés. Chacun de vos coups fait disparaître l'impie au profit de l'homme que j'avais pu être autrefois, et je retrouve alors quelques bribes de l'innocence passée, mais... Vous qui êtes aussi cruel que lui sans avoir ses crocs et ses griffes. Vous qui êtes aussi monstrueux sans avoir sa folie intestinale. Je me demande, mon Roi : vous, qui vous châtie ?
Je vous ai toujours haï mon Roi, tout comme j'ai haï les hypocrites qui vous adulent et vous adorent. Aujourd'hui pourtant, je me retrouve à supporter et répondre de vos caprices, comme tous ces pions sans âmes que vous avez jadis renversé. »
« Comme il est aisé de voir que par amour pour ta sœur, tu te damnerais. Comme il est simple de voir que sa protection est ta seule priorité. Comme il est limpide de voir que tu n'aspires qu'à son bonheur...
" Mais hélas ! Qui ne sait que ces loups doucereux De tous les loups sont les plus dangereux. " C. Perrault
Je suis, pour elle, tout ce que tu redoutes le plus. Je suis, pour elle, tout ce qui lui est néfaste... En vertu de quoi, tu me hais sans doute, mais comment pourrais-je t'en vouloir ? Pour la protéger, tu te méfies de tous, dès lors, comment reprocher à un frère aimant, une vigilance aggravée lorsque son double côtoie un monstre ? Je me demande... Qu'as-tu ressenti le jour où, fidèle à elle-même, Allister t'a livré ma nature comme s'il ne s'agissait là que d'un détail ? Je prie pour que tu ne l'aies haï : elle a été, une fois de plus, victime de son innocence et je suis le seul fautif. Plutôt que de la chercher par la suite, il m'aurait fallu la fuir. Plutôt que de la laisser m'amadouer, il m'aurait fallu la repousser, et alors même que mon cœur en aurait souffert, n'était-ce pas là, ce qu'il y avait de mieux à faire ? Je ne peux que comprendre la méfiance que tu me portes, Annibal. Elle ne m'apparait pas même comme étant suffisante, puisqu'il te faut te méfier pour deux, mais... Me crois-tu sincère, lorsque je prétends vouloir protéger ta sœur ? Crois-tu que je puisse être, comme elle te l'a affirmé, l'un de ces monstres qui, au moins en tant qu'Homme, tend à se montrer aimable ?
" On risque autant à croire trop qu'à croire trop peu. " D. Diderot
Chercher à raisonner ta sœur sur ma nature profonde. Chercher à lui ouvrir les yeux sur ce que je suis devenu malgré moi. C'est ce à quoi tu t'affaires depuis qu'elle t'a avoué l'existence de l'autre. Comment t'en blâmer ? J'ai moi-même essayé de le lui montrer, mais n'est-elle pas la mieux placée, au vu du traumatisme de son enfance, pour voir d'elle-même l'imminence du danger ? J'ai abandonné, Annibal. J'ai abandonné l'idée de faire taire son innocence. J'ai abandonné l'espoir d'enrailler son insouciance. J'ai abandonné, alors même que je reste encore conscient du danger que je représente pour elle, mais... Tu n'es pas aussi faible que moi, Annibal. Incapable désormais, de m'éloigner par moi-même, je prie pour que ta détermination, comme la mienne jadis, ait finalement raison de son inconscience. Tu es son double et partage son âme ; toi seul sais comment atteindre son cœur d'une parole.
" Avoir peur c'est aimer. Donner peur c'est haïr. " F. Leclerc
Aimer Allister nous pousse à vouloir la protéger, toi et moi. A juste titre sans doute, tu t'estimes pourtant en être le plus à même, et c'est pourquoi tu me hais. Les menaces et avertissements, les réprimandes et les insultes sont un quotidien lorsque tu me croises sans qu'elle ne soit là. J'aimerais pouvoir rétorquer. J'aimerais pouvoir démanteler un à un, les arguments que tu avances. J'aimerais pouvoir te promettre sa sécurité sans craindre de bafouer ma parole. Il n'en est rien, mais comprends-tu pourquoi, face à ton agressivité et à ta colère, je reste muet et inexpressif ? Les affabulations et autres inepties seules, peuvent me pousser à parler or, de ta bouche, ne sort, à mon plus grand regret, que la cruelle et cinglante vérité. Tu as peur pour ton double, Annibal, et c'est ce qui motive ton comportement. Je ne peux t'en vouloir.
" Le doute est un hommage rendu à l'espoir. " Lautréamont
Chaque moment passé avec elle est un nouveau souffle de vie, un nouvel espoir qui me pousserait presque à oublier tous les maux répandus, les visages déformés, les corps lacérés. Chaque moment passé avec toi est un retour brutal à ce qui est vrai, et je revois encore le sang se répandre ; et j'entends encore, les cris résonner. A chaque fois qu'il m'est donné de croiser ton regard, le doute m'assaille. A chaque fois qu'il m'est donné de voir ta mâchoire serrée et tes poings crispés, les remords m'envahissent. Suis-je seulement capable de protéger Allister ? J'aimerais disparaître simplement, mais la seule pensée de la peiner pousse mon cœur à saigner. Alors je doute encore... Comme tu as raison de me haïr, Annibal : je ne suis, au fond, qu'un monstre d'égoïsme...
Comme il est aisé de voir que par amour pour ta sœur, tu te damnerais, que sa protection est ta seule priorité, que tu n'aspires qu'à son bonheur... C'est pour ce bonheur, que tu lui permets de me voir, et nous savons pourtant que pour sa sécurité, il te faudrait me tuer. Sauras-tu un jour, pardonner le dilemme que je t'inflige malgré moi ? »
« Qui eut dit qu'un matin, les mœurs d'une époque vous auraient poussé à approcher un rustre tel que moi ? Vous satisfaites les cœurs à vous embarrasser d'un laquais, et vous offusquez les âmes en choisissant un indigent. Les paysans ne sont pas faits pour être domestiques, ils sont en-deça, Marquise.
" L'homme n'est libre que de choisir sa servitude. " M. Chapelan
Que je sois votre domestique ? Permettez-moi, Marquise, de douter de la clarté de votre esprit le jour où vous avez avancé pareille proposition ; je n'en suis pas moins fou d'avoir d'abord, osé la refuser. Comprendrez-vous un jour, les raisons qui m'y ont seulement poussé ? Vous êtes la richesse et j'incarne la misère. Vous êtes la noblesse et je ne suis que l'opprobre. Et, vil rustre que je suis, infâme profiteur, j'ai finalement accepté de me soumettre. N'avez-vous donc point conscience de l'affront que je vous fais à être votre valet ? Il est à croire que vos sourires aiment à entretenir les médisances. Vous n'avez décemment que faire des convenances, mais je ne puis oublier si facilement la caste à laquelle vous appartenez, ni même celle dans laquelle on m'a cloitré. Vous respecter est la seule chose que je puis faire, mais bien conscient que cela ne suffise à effacer l'avanie qu'inspire mon seul reflet dans votre ombre, mon mutisme s'accroit.
" La rose n'a d'épines que pour celui qui veut la cueillir. "
Pourquoi moi, Marquise, alors que je ne suis que votre antagoniste ? Nombre d'autres hommes se seraient réjouis à l'idée de vous servir, et vous m'avez pourtant préféré jusqu'à essuyer un refus. Loin de vous en formaliser et bien malgré mon inconstance, vous m'avez pardonné et je puis désormais jouir des avantages de votre rang en vous servant bien modestement. Moi qui errais jusqu'alors dans les rues de la belle Paris, moi qui la parcourais inlassablement, hantant ses ruelles, me voilà désormais assigné à votre splendide demeure. Je mange à ma faim, et dors dans un lit, et pourtant, je ne suis qu'un bien piètre serviteur. Comment pouvez-vous me supporter à votre chevet ? Je ne suis qu'un méprisable opportuniste qui ne se montre jamais à votre demande. Je suis absent lorsqu'il me faudrait être là et suis présent lorsque je vous suis inutile, alors... Pourquoi moi, Marquise ?
" Convaincu du néant de tout, il reste délicieux de s'attendrir sur la fragilité des roses. " M. Chapelan
Bien que rarement à vos côtés, je n'en demeure pas moins présent et vous observe, Marquise. Poussant l'offense jusqu'à l'extrême, je cherche à vous comprendre. Derrière ces yeux pleins d'une innocence corrompue ; derrière ces sourires radieux mais non moins ambigus, je ne distingue parfois qu'un ennui profond. De cet état second, n'apparaissent alors à mes yeux que des souffrances inconnues qui alimentent, peut-être, une certaine fragilité que je crois entrevoir en vous, parfois. Si je m'attendris pourtant de votre supposée vulnérabilité, le Nuisible s'en nourrit, et sa haine à votre égard augmente chaque fois que nos chemins se croisent. D'instinct, il vous méprise et vous veut morte sans que je ne puisse comprendre les raisons de cette haine viscérale. Par crainte pourtant, de le voir entailler votre peau de nacre, enrailler votre sourire ou aveugler vos beaux yeux, je vous évite, car au fond, je vous apprécie... Me le pardonnerez-vous ?
" Au lieu de me plaindre de ce que la rose a des épines, je me félicite de ce que l'épine est surmontée de roses. " J. Joubert
Le premier mot qui vient à l'esprit de nombre d'entre nous, en vous voyant, Marquise, est sans doute "pureté", car c'est là ce à quoi fait appel la clarté de vos vêtements, l'innocence de vos traits, la fraîcheur de votre jeunesse. Cette même pureté vous vaut la beauté et la noblesse ; le respect et l'admiration. Elle ne trompe pas tous les yeux cependant, et les miens vont au-delà. Les miens vous cherchent peut-être simplement. Votre apparence m'inspire un semblant de confiance, mais peut-être ne sont-ce là que les conséquences du contexte dans lequel nous intervenons, puisque ma servitude à votre égard n'est pas sans me rappeler la douceur de quelques souvenirs qui me sont chers. Malgré tout, vous m'intriguez, Marquise, et alors même que vous me paraissez agréable, quoiqu'un peu mystérieuse - mais qui suis-je pour reprocher une telle caractéristique ? -, une partie de moi, réfractaire, se méfie de vous.
Les paysans ne sont pas faits pour être domestiques, ils sont en-deça, Marquise, et savez-vous pourquoi ? Les domestiques sont fidèles à leur maître et le servent quoi qu'il advienne. Bien que mon cœur se serre à cette idée, j'ai bien peur de vous desservir, un jour prochain. »
« La servitude est, de par son essence même, une contrainte que l'esclave déplore, rêvant de se libérer de ses chaînes pour parcourir librement le monde qui l'entoure. Dans ma servitude pourtant, je ne voyais aucune contrainte. Aucune, jusqu'à votre venue.
" La méfiance est la sagesse des faibles. " A. Stoiciu
Il est un voile, pesant sur votre nature même, que je ne parviens à lever. Il est un mystère, présent en votre fragrance, que je ne parviens à résoudre. Il s'échappe en effet de vous, un air familier que je crois reconnaître comme étant pareil à celui que je ressens chez la Marquise. Ce n'est pour autant pas au nom de cette troublante ressemblance que je vous apprécie. Vous n'êtes pas humaine. Vous n'êtes pas lycane. Au service de la Marquise, vous êtes pourtant bourgeoise et par ce biais, il me faut vous respecter. D'instinct, je me méfie de vous et l'autre n'a de cesse d'encourager ce scepticisme qui me pousse à me montrer bien peu en votre présence. Je me fais discret, mais de ce que je peux en voir dans vos yeux, ce n'est pas pour vous déplaire.
" La colère est la non-acceptation de l'inacceptable. " M. Halter
Peut-être le déplorez-vous, mais ma réserve a ses limites. Sachez, ma dame, qu'il est une frontière fragile entre le calme qui m'est acquis, et l'agressivité que je lui dois. Comme vous, je suis au service de la Marquise. Comme vous, je lui dois beaucoup, si ce n'est la vie elle-même. Comme vous, je serais prêt à bien des sacrifices pour la préserver, mais... Il est, dans vos manières, des exactions que je ne saurais cautionner et vos méthodes m'apparaissent trop excessives lorsque l'obéissance n'est plus aveugle, mais seulement naturelle. Lorsque l'exécution n'est plus totale, mais simplement modeste. Malgré moi, vous me poussez à laisser l'autre s'exprimer et l'agressivité semble alors être de mise. Vous éveillez en moi, des sentiments qui m'effraient. Vous attisez en lui, tout ce que j'abhorre, et cherche à étouffer, peut-être trop maladroitement.
" J'embrasse mon rival, mais c'est pour l'étouffer. " J. Racine
Vous réjouissez-vous encore des incessantes victoires sur mon caractère, ma dame ? N'êtes-vous pas lasse de toujours triompher de mes accès d'humeur ? Ces réussites perpétuelles ne vous reviennent pas pleinement, ma dame. Je n'ai que faire de vos sentiments à mon égard. Je n'ai que faire des pensées que vous me vouez. En d'autres circonstances, l'autre vous aurait déjà attaqué depuis fort longtemps et il en aurait été une toute autre issue dès lors, tant pour vous que pour moi. Ces gloires répétées ne sont que le fruit de toute l'amitié que la Marquise peut bien vous porter. Elles ne sont que le reflet de cette servitude aveugle que vous lui accordez. Je ne suis pas sans savoir que tous vos actes n'ont pour finalité que de servir la Marquise, et c'est en cela que je trouve la force de vous pardonner. C'est en cela que je trouve la volonté d'enrailler de moi-même, toute la rage et la colère que je peux ressentir en constatant l'excès de vos sanctions. Malgré tout, sachez que je ne vous hais point, ma dame. Votre présence allège mes craintes, car si un jour, la peur qui noue mes entrailles, celle d'attenter à la vie de la Marquise, trouve à se réaliser... Je n'ai de doutes quant à l'ultime sanction que vous saurez m'appliquer. C'est en cela que j'ai appris à vous accepter.
" Rien de plus haineux, peut-être, que deux rivaux en bonté. " J. Renard
Pour la Marquise, et pour elle seule, nous sommes contraints de nous supporter. Alors pour elle seule, nous trouvons la force de coopérer s'il est question de sa sécurité. Je crois pouvoir affirmer que ces trêves, toutes aussi rares qu'éphémères, vous répugnent, n'est-ce pas, ma dame ? Comme ma présence à vos côtés doit vous rebuter. Comme vous devez détester marcher à ma hauteur pour le bien être de la Marquise. Que ne feriez-vous pas pour elle, ma dame ? Pour ma part, je me conforte en affirmant que vous ne valez pas mieux que moi. Sans en avoir l'air, vous êtes au moins tout aussi cruelle que celui qui repose en mon sein. Sans que l'on ne puisse l'imaginer à vous voir simplement, vous êtes au moins tout aussi insensible que l'autre, à la faiblesse et à l'innocence que vous bafouez sans une once d'hésitation. Ne vous en déplaise : vous êtes aussi folle que je puis l'être lorsque la Lune, pleine, se dévoile à mes yeux. Comme il est fâcheux, dès lors, de constater que votre astre est la Marquise, sévissant tant le jour que la nuit.
La servitude est une contrainte que l'esclave déplore. Dans ma servitude pourtant, je ne voyais aucune contrainte jusqu'à votre venue. Alors même que notre objectif est commun, qu'il est regrettable de si mal s'entendre... »