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Il se tenait là, tranquille et fier. C’est du moins ce que quiconque aurait pu penser en voyant le Roi en cet instant, semblable a une statue de marbre ornant davantage les richesses de sa chambre à coucher. Mais il fallait se détromper immédiatement si telle était notre pensée car, en réalité, le Souverain de France était tout, sauf calme. Dire qu’il ne l’était de toute manière jamais eut été un manque de respect total, mais là c’était encore pire… et bien plus grave car il n’en laissait rien paraitre.

Preuve en est, l’ensemble de ses servants et autres domestiques se pressaient encore dans un ballet semblant sans fin entre les pièces toutes plus somptueuses les unes que les autres de ses appartements royaux.

Il était sous le joug d’une obsession toute particulière et que jamais ô grand jamais il n’aurait penser un jour ressentir de nouveau. Mais il était forcé de constater que tous les éléments étaient réunis pour que ce soit le cas. Que pouvait-il faire donc ? Nier ? Se voiler la face ? Oh, tiens, pourquoi pas ?

Mais avant de passer à l’action, il avait besoin de parler. De se… Confier. Et il n’y avait qu’une seule âme dans tout le palais à qui il faisait suffisamment confiance pour dévoiler une chose pareille. Son confident.

Immédiatement, faisant volteface a l’assistance des petites mains et déclarât d’un ton monocorde mais suffisamment glacial pour effrayer ;

« Sortez tous. Et que l’on m’amène le Sieur Kirasten sur le champ. »

Il était dans l’un de ses jours ou il ne tolérerait ni le retard ni même le manquement à ses ordres.

☼

Il se promenait, simplement. Revenant de l’entrainement quotidien avec sa douce sœur, il alimentait la conversation sur tout et rien que sa moitié avait lancé tout en s’amusant avec quelques balles. Histoire de ne pas perdre la main, simplement. Avec tout ce qu’il avait à faire à présent, le temps lui manquait cruellement pour ses activités « de rue ». Tant donc le jonglage que le violon, et son instrument à corde lui manquait, lui aussi. Intérieurement de ce fait, il se promit de jouer quelques notes un peu plus tard.

Ce qu’il ne savait pas encore, c’était que le Roi lui-même allait perturber son emploi du temps qui, pour une fois, n’était pas si chargé que ça.

Il s’en était douté, cela dit, lorsqu’un garde était venu l’interpeler, lui annonçant que le Roi le réclamait dans la chambre royale elle-même. Et il s’était bien douté que s’il le convoquait dans un tel endroit, ce n’était très certainement pas pour faire jouer les apparences en lui demandant de jouer avec quelques balles.

Aussi, il ne s’était pas fait davantage prié, et avait confié les objets à une jeune sœur toute déboussolée –il le voyait à son faciès- par une telle déclaration. Oh, il ne pouvait lui en vouloir, les choses étaient parfois sujettes à quiproquos…Mais hélas, même à elle il ne pouvait confier la vérité. Il se contenta donc de rire aux « étranges pensées de sa douce sœur », selon ses propres dires, avant de suivre le garde jusqu’à la chambre royale. Comme s’il avait besoin qu’on le guide, tient…

Bon, il n’allait pas non plus s’en plaindre, puisque le dit garde se chargea de frapper à la porte de et l’ouvrir au milicien, mais tout de même. C’est sans lui prêter davantage d’attention qu’il pénétra dans la pièce, s’adonnant rapidement à une révérence et des salutations de coutume.

« Mon Roi.. » commença-t-il avant de se redresser. « Que puis-je faire pour votre service ? »

Bien sûr, il avait déjà sa petite idée sur la question. Mais le Roi était de nature imprévisible, après tout.

Fort heureusement, sa Seigneurie n’eut pas à souffrir d’une attente trop longue jusqu’à ce que son confident lui soit amené, entre les murs de sa Chambre. Il n’avait même pas envisagé ne serait-ce que la plausible possibilité qu’un quiproquo puisse parcourir le Château en long en large et en travers à propos de la venue de Sieur Kirasten, seul, dans cette pièce, justement. Ses pensées étaient a des années-lumière de ce genre de raisonnement pour dire vrai et il n’avait pas le cœur à penser à des inepties de ce genre, quand bien même les racontars des servants pourraient devenir de plus en plus pénible, a force.

Au pire, il leur ferait couper la tête, tout simplement. Les morts ne jacassent pas, c’est bien connu. Enfin, du moins ceux n’ayant jamais eu une vie capable de marquer la Cour de leur passage à tout jamais. Pour le reste.. .C’était une autre histoire sur la peau de laquelle Charles ne souhaitait pas se perdre pour l’heure.
Voyant les gestes cérémonieux de son confident danois juste après son entrée, il en fut tout de suite agacé.

« Par tous les saints, pas de manières entre vous et moi, nous avons passés l’âge de l’hypocrisie me semble-t-il » assénât-il d’un ton dur et sec.

Ce n’était pas contre Annibal, mais ses préoccupations le rendaient encore plus imbuvables qu’à l’accoutumée.

« En effet, si je vous ai fait demander ce n’est pas pour bavasser sur les dernières rumeurs de la Cour ! »

D’autant qu’il haïssait ce genre d’idioties presque autant que le Roi d’Angleterre, c’est dire ! Il poursuivit cependant, fort peu enclin à se soumettre à un quelconque détour concernant ses propres paroles. Après tout, il s’agissait là de son confident, il n’avait pas besoin de se perdre en manières inutiles.

« Je n’irais point par quatre chemins Sieur Kirasten. Dites-moi. Selon vous, qu’est-ce que l’amour ? »

Bon courage au pauvre danois…

Du début à la fin, c’était avec un calme le définissant bien que le bohémien avait écouté le Roi. Ce n’était pas comme si ses sautes d’humeurs avaient pour habitude de surprendre son confident, à présent. Il avait l’habitude de ses crises de colères, tout comme de sa bonne humeur apportée par une bonne nouvelle. Cela dit…Il avait beau commencer à connaitre le Roi, il ne pouvait qu’avouer qu’il ne l’avait jamais vu…Dans cet état-là. Et, à sa dernière question, il avait commencé à s’imaginer le pire. Car, pendant un moment, il s’était laissé à penser que le Roi pouvait commencer à aimer la Reine…Mais bien fortement improbable était cette hypothèse.

C’était donc qu’il commençait à avoir des sentiments pour une autre ? …A bien y réfléchir, le milicien n’aurait su dire si c’était une meilleure nouvelle ou son exact opposé si l’on comparait cela au fait d’aimer la Reine. Oui, bon. Hors contexte, cela semble absurde. Mais je vous assure que lorsque l’on sait que le Roi mettrait volontiers sa femme à mort, on aborde le sujet sous un tout nouvel angle. Vraiment. Et ne sachant trop que répondre sur le coup, il fallut un petit temps de réflexion au danois –qui remercie la voix off ennemie pour sa compassion- avant de répondre.

« …L’amour ? Je suppose que c’est lorsque quelqu’un s’invite dans votre esprit et refuse d’en ressortir, et lorsque vous passeriez volontiers tout votre temps avec cette personne parce que simplement…Avec elle, vous vous sentez différent ? »

Mais à dire vrai, il n’en savait très probablement pas davantage que le Roi lui-même. Bien sûr, il avait déjà eu des conquêtes par le passé…Mais jamais rien qu’il n’aurait pu qualifier de « sérieux », hélas. Contrairement à sa sœur, il ne pouvait venir clamer haut et fort qu’il s’était retrouvé victime d’un coup de foudre…Ou encore moins de plusieurs. L’amour n’était pas encore venu frappé à sa porte…Pas encore, mais il ignorait bien que ça ne saurait tarder.

Sans plus faire de cérémonie, sa Majesté s’était laisser aller à contempler le dehors de ses appartements par la grande baie-vitrée de sa chambre, celle-là même qu’il se devait de partager avec la Reine, sa femme. Un frisson lui remonta soudain le long de l’échine à cette simple pensée. Que notre noble lecteur – ainsi que le jeune danois – se rassure, Charles n’était point prêt de tomber amoureux de Diane, parole d’honneur de voix de l’esprit !
Déjà qu’il supportait mal le fait de devoir bientôt être dans l’obligation de faire d’elle la mère de son futur héritier – il en avait presque des nausées, c’est dire ! Ce n’était pas pour développer ne serait-ce qu’un quelconque sentiment positif envers la fragile personne de la Souveraine.

Plutôt mourir, tient. Ce serait sans doute bien plus agréable que la seconde option. Le Suzerain en était persuadé.

Mais qu’importait ses envies meurtrières sur la personne partageant sa couche, il y avait plus important. Il médita un instant les paroles de son confident avant de répondre, le plus naturellement du monde – tout du moins autant qu’il fut possible de le faire avec des lèvres presque pincées :

« Je vois… Et lorsque l’on n’a en soi que la première partie de votre explication, qu’est-ce que cela peut bien vouloir signifier d’après vous, Sieur Kirasten ? »

Non pas qu’il ne savait pas ce qu’il couvait mais… il cherchait à s’en dissuader le plus possible.

Annibal resta un moment silencieux, songeur. D’après lui l’explication était on ne peut plus simple. Cela dit, le Roi semblait ne pas vouloir l’apercevoir, ce qui signifiait très probablement qu’il ne voulait pas accepter la vérité telle qu’elle s’imposait à lui. Ce qui, dans un langage plus courant signifie qu’il pose une question à laquelle il ne veut pas répondre. Ce qui, plus simplement, revient à dire, paix à ton âme, jeune danois, car tu te dois d’être honnête avec sa Majesté, même si sa Majesté ne désire pas accepter la vérité.

Prions pour le jeune Kirasten alors qu’il cherche encore ses mots pour répondre de la façon la plus correcte possible à son souverain. Repose en paix, danois.

« … Que vous êtes en train de tombé amoureux, Majesté ? »

Une réponse aux consonances d’interrogation. Car l’idée était tant déroutant que même le confident du Roi venait à se demander si c’était véritablement possible. Le temps d’une seconde, il s’était même demandé si Charles ne se jouait pas de lui. Mais tout compte fait cela semblait bien impossible. Car jamais il n’avait vu le Roi dans cet état là…

Et à présent, il était bien curieux de savoir qui pouvait bien rendre le Monarque dans cet état. Il se risqua donc à poser la question.

« Sans indiscrétion…A qui pensez-vous ? »

Après tout, avoir un pied dans la tombe, ou les deux directement, quelle différence, dans le fond ?

Tel un couperet sur la nuque d’un condamné à mort, la réponse de son confident fut bien celle que le Roi craignait plus que tout au monde en cette minute précise. Bien sûr qu’il y avait déjà pensé lui-même, pour qui le prenez nous, mécréant de bas étage ?! Il n’est pas idiot, contrairement à ce que l’on pourrait parfois s’autoriser à penser. Tout le contraire est même davantage crédible, au final.

Aux simples mots prononcés, il ferma les yeux et laissa une petite minute de silence s’installer avant de… se cogner la tête par trois fois sur la surface vitrée de sa fenêtre. Non, il ne voulait pas s’y croire. Pourquoi Diable ce genre de sentiments le prenaient-ils ainsi, en traitre ?! Surtout pour.. Elle ! Une farouche fleur qu’il vaut mieux arracher plutôt qu’aimer ! Mais non… Tout ne s’était pas passé le plus logiquement du monde… A croire que le Roi était un aimant a contradictions à lui tout seul !

Se retournant en se tenant le front – et oui, se cogner la tête contre une surface dure, ça fait mal espèce d’idiot – il vint s’assoir sur le rebord de son lit et se tint la tête entre ses deux mains, les paupières toujours fermées mais dirigées vers le sol. Heureusement qu’il n’y avait dans cette pièce que son confident et qu’il avait en lui une confiance aveugle car sinon…

« Si je vous délivre le nom de Lizbeth Catherine Valentyne ,cela vous évoques-t-il quelque chose ? »

Il ne s’était plus senti si faible depuis des lustres. Et il avait horreur de ça.

Si Annibal n’était pas rassuré quant aux réactions du Roi dès lors qu’il eut énoncé une évidence que le Monarque semblait refuser d’admettre…Il ne s’attendait pas pour autant à une réaction aussi…Effrayante. Oh oui, c’était là le mot exact. Lorsque l’on connait Charles de France, et qu’on le voit s’adonner à pareille activité, soyez assuré que l’on sent la fin du monde approcher…voire pire. Et sur le coup le malaise d’Annibal ne lui permis pas même de réagir. Il était loin d’être habitué à un tel comportement…Et pourtant il était l’un de ceux qui connaissait le mieux le porteur de la couronne.

Et il pensait au moins être arrivé au bout de ses surprises…Mais non. Aussitôt que le nom de la demoiselle en question lui fût révélé, il sentit comme un souffle froid dans la pièce, et son sang se glaça aussitôt. Lizbeth Catherine Valentyne…N’était-ce pas cette marquise pour qui sa sœur vouait une jalousie maladive de par sa proximité avec le marquis dont elle était tombé amoureuse ? …Les choses prenaient une tournure que le bohémien n’aimait pas du tout, là.

Mal à l’aise, il se racla maladroitement la gorge, avant de répondre, le regard fuyant.

« …Il me semble connaître ce nom en effet. Mais… »

Mais quoi ? Il allait vraiment lui dire qu’il se demandait si cette femme ne côtoyait pas déjà un certain marquis –qu’il ne pouvait pas supporter d’ailleurs, soit dit en passant- résidant lui-même au château ? Oh non, il y a des limites à la sincérité…Et ça s’appelle le suicide, à ce niveau-là.

Si Charles de France n’aimait absolument pas la tournure que prenait les choses – étant donné qu’elles commençaient bien trop à lui échapper à son gout – il n’en restait pas moins qu’il désirait avant tout posséder en main toutes les cartes avant de se faire une idée plus précise de son problème et d’agir en conséquence.

Mais il ne s’attendait nullement à ce que son confident soit pris d’une hésitation. Depuis qu’il le connaissait et l’avait admis dans son cercle très privé qui ne comptait … qu’une personne – soit lui- jamais encore il n’avait vu ce genre d’expression sur le visage du bohémien. Tout ceci était suspicieux, et la curiosité du Monarque revint alors à la charge, sous la forme d’un certain agacement, saupoudré d’un énervement naissant. Un cocktail pour le moins… explosif.

Se levant de son lit, il vint se planter sur en face d’Annibal, comme si agir de la sorte pourrait lui fournir les informations espérer plus vite qu’il n’était possible de le faire.

« Et bien quoi ?! Parler ! Votre conquête de la nuit dernière vous a donc retirez tous vos moyens d’expressions, Bouffon ?! »

Charles et délicatesse ? Deux variables n’allant strictement pas ensemble. Pas pour l’heure, du moins.

Etant habitué au caractère pour le moins explosif du Roi, à présent, il ne réagit pas plus que ça lorsque ce dernier se leva pour venir se placer face à lui et lui hurler dessus sans délicatesse aucune.

Sa remarque l’aurait presque fait rire jaune, tient. Sa conquête de la nuit dernière ? Si seulement…Mais non, la nuit passé il avait fallu que Rosemonde se ramène chez lui pour lui déposer son bambin et repartir aussi sec, sans jamais lui laisser ne serait-ce qu’une seconde pour protester. Et ce n’était qu’au petit matin, fraiche comme une fleur qu’elle était venue le rechercher…A croire qu’on aimait s’acharner contre lui en ce moment, tient.

Bien davantage blasé qu’autre chose, Annibal détourna son regard de celui du Roi, pour lâcher simplement, d’une voix monotone et ennuyée.

« Rien. Il me semblait simplement que le cœur de cette jeune femme n’était plus à prendre. Sans doute dois-je me tromper. »

Après tout, d’un autre côté, même s’il était vrai qu’elle passait pal mal de temps avec cette insupportable tête blonde, il n’avait jamais rien vu pouvant concrétiser une quelconque relation entre les deux êtres. Ensuite, il ne connaissait pas assez le monde des nobles pour savoir si une innocente amitié était possible, dans un tel contexte…

Au moins, il y a une chose que l’on ne pouvait retirer au milicien, c’était son tempérament, quasi murale envers le monde tout entier ou presque. Même le Roi n’y échappait pas. Et c’était peut-être, au fonds, ce pourquoi il appréciait ce garçon. Et ce pourquoi il l’avait choisi lui plutôt qu’un autre pour se confier. Lorsque l’on veut dissimuler un arbre, le proverbe courant tient à ce que l’on cache ce dernier dans la forêt la plus proche. Il en était ainsi pour ce contexte précis. Qui irait soupçonner un simple jeune homme des rues d’être le confident du Roi en personne ? Ça n’avait pas de sens ! Ce poste privilégié était pour le moins convoité par beaucoup de nobles et sa Seigneurie n’avait jamais que l’embarras du choix. Mais non, il avait désigné ce danois pour tenir le rôle. Bénédiction ou exact inverse ? Qui peut le dire sinon le principal concerné ?

Le sang du Roi, auparavant presque brulant dans ses veines – il pouvait le sentir parfaitement – parut se glaça en l’espace d’une petite seconde. Alors… Le cœur de la sylphide blanche était déjà possédé ? Non pas que l’idée ne ravit pas les pensées du Monarque mais… Il n’y avait bien qu’elles à être alors euphoriques. Et encore une fois il ne comprenait guère pourquoi un poids s’était alors former sur son cœur. Il reniait la vérité plus que jamais.

Il était … déçu.

Retournant alors vers la fenêtre, il y déposa l’une de ses grandes mains puissantes et inspirât un grand coup sonore avant de poser la question qui ferait peut-être tout basculer.

« Et…Savez-vous par qui elle a été charmé ?... »

Il avait tout de même, sinon le besoin, l’envie de savoir.

Beaucoup avaient pour habitude de critiquer le Roi. Tant dans les nobles que dans les hommes et femmes des rues, d’ailleurs. Même sa sœur, ne portant pas le Roi dans son cœur, avait pour habitude de critiquer ses méthodes. Ce n’était pas le cas d’Annibal, et c’était peut-être justement parce qu’il était l’un des seul à avoir le privilège de voir le Roi ainsi…Déçu, peut-être même un peu triste, bien que lui-même n’avouerais jamais une telle chose. Parfois, dans des moments comme ça, le Roi faisait vraiment de la peine à son confident…On ne peut souhaiter à personne d’être malheureux après tout, et surtout en amour. Le blond avait l’exemple type de sa sœur en tête… Devoir régulièrement sécher ses larmes, c’était quelque chose qu’il avait assez de mal à supporter.

Il aurait volontiers déposé une main sur l’épaule de Charles, en guise de soutien, mais ne s’y risqua finalement pas. Il n’était pas vraiment doué pour ce genre de choses…Rien qu’à voir la façon dont il s’y prenait avec sa sœur en était une preuve en soit. Encore une fois il allait se contenter de dire la vérité. C’était peut-être blessant sur le coup, mais valait mieux ça que des leurres. Plus tard on apprend la vérité…plus elle fait mal. Soupirant donc, il murmura.

« Il me semble que son nom est…de SaintLouis, si ma mémoire ne me fait pas défaut. Cela dit, n’étant sûr de rien, je vous invite à vérifier l’information. Les relations liants les divers nobles de la cour n’est pas un de ces sujets pour lequel je me tiens informé, loin de là. »

Et là, il espérait vraiment se tromper. Non pas seulement pour le Roi, mais aussi pour sa sœur, quelque part.

Ce fut semblable a un coup de poignard en plein dans le dos. La simple évocation de ce nom fit frémir l’échine de Charles. Étonnamment, il ne sut comment le prendre. Certes, ce qu’il commençait à ressentir, bon gré mal gré pour cette Marquise, c’était un blasphème même à son statut de Roi et à la considération qu’il avait pour cette femme mais… Il y avait cette amertume qui commençait elle aussi à creuser doucement sa tanière au creux de son âme, avec les mêmes griffes que ce celles des renards.

Il ne supportait pas le simple fait qu’on se détourne de lui, quand bien même on ignore ce qu’il ressent au fonds de son âme et conscience. Il détestait absolument tout chez cette nymphe du Diable en personne. Tout. Absolument. Et c’était même pour cela qu’il l’avait jusque-là laissé en vie. Par amusement. Par caprice. S’il avait su ou cela le mènerait, jamais il n’aurait commis cette erreur.

Ah moins qu’il n’aurait fait qu’accélérer le processus ?

Qui peut le savoir ? On n’avance guère avec des « si » et des « peut-être ». Il fallait un peu plus de précision au Monarque pour pouvoir empiler ses idées les unes sur les autres de façon cohérente. Sinon, il ne savait, il n’arriverait a rien. Alors, croisant ses mains dans son dos mais restant tout de même près de la fenêtre, il conduisit son regard jusqu’au milicien et l’en interrogeât :

« Seriez-vous a même de me bâtir une description plus poussée de ce Noble, Sieur Kirasten ? »

Maintenant que le fil de l’araignée était en place, il redevenait un peu plus calme. Mais cela ne voulait dire pour autant qu’il avait recouvré sa sérénité.

On dit souvent que le calme annonce une tempête bien plus terrible encore que celles que l’on a coutume de connaître. C’était ce qu’inspirait à l’instant même le monarque à Annibal…Il sentit même un frisson lui parcourir le corps. Le Roi était effrayant, et ça, chacun le savait. Mais à le voir ainsi calme, malgré la situation…Annibal venait à se demander de quoi il serait capable.

Oh non pas que ça l’aurait profondément déranger que le marquis de SaintLouis se fasse exécuté, quelque part ça l’aurait même arrangé. Mais…Cela ferait de la peine à sa sœur, et il avait beau le haïr de tout son être, il se refusait bien à donner une raison de plus à sa sœur. Alors, il s’était dit que pour une fois, ça ne serait peut-être pas si mal, de ne pas être tout à fait honnête. Non, il n’allait pas mentir. Juste ne pas tout dire, c’était différent.

« Hm…Mis à part vous dire qu’il est aussi blond que vous et moi, je ne saurais, hélas, pas le faire. »

Intérieurement, il nota que cette affreuse tête blonde lui en devait une, là. Les nobles blonds, nul doute que cela devait courir les rues, de nos jours…Il avait intérêt à lui en être reconnaissant, ce sale môme, et à faire en sorte que sa sœur ne souffre pas à cause de lui. Dans le cas contraire…Il l’attendait au tournant, de toute façon.

Charles de France était bien loin d’être dupe. C’était sans doute bien dommage d’ailleurs pour la plupart des rapaces ayant pour objectifs de profiter de la couronne, sans succès cela dit. Il savait lire à travers les lignes et faire en sorte que tout tourne en sa faveur a lui plutôt que l’inverse. Ainsi, un plan destiné à lui vouloir du mal se concluait généralement pour un bénéfice pour le Roi. Ironie, quand tu nous tiens.

Présentement, il savait qu’Annibal lui cachait quelque chose. Il ne voulait pas en dire trop, soit. Les raisons lui échappait mais soit. Il userait donc de la ruse et d’un fin tournement de phrase. Raclant sa gorge, il délia ses doigts et laissa ses deux bras se balancer nonchalamment le long de son corps tandis qu’il entamait une marge aléatoire au milieu de la pièce. Il connaissait depuis longtemps les De SaintLouis, cette noble famille servait déjà sous le nom de père le feu Roi Henri. Il se demandait juste s’il s’agissait du Père… Ou du fils.

« Dites-moi, l’individu en question portait-il un cache œil ? »

Question sans détour.

Annibal connaissait le Roi. Il aurait dû s’en douter, qu’il serait plein de ressources pour avoir les réponses qu’il voulait. Et à présent, il n’avait plus aucuns détours possible…C’était fort dommage, mais au moins il avait essayé. Si jamais il allait venir à en mourir –bien qu’étrangement il doutait de ce point à présent- eh bien c’était tout simplement dommage. Bien sûr, sa sœur allait être triste, mais il serait là pour elle, et elle finirait pas s’en remettre.

A une question comme celle-ci, il ne pouvait mentir au Roi. Déjà parce que ça ne lui ressemblait pas, et, ensuite, il en était sûr, Charles le connaissait depuis bien assez longtemps pour savoir quand il mentait et quand il disait la vérité. De même pour quand il ne lui disait pas tout…Et la preuve en était faite avec cette simple question qui ne laissait pas multitudes de possibilités au bohémien.

« Oui, en effet. »

On ne pouvait être plus clair. A présent…Advienne que pourra.

« Hum… Je vois. Je prendrais moi-même les devants pour la suites des évènements. Merci bien mon brave, vous venez encore une fois de me prouver votre loyauté. »

Il s’avança alors de nouveau jusqu’au bohémien, bien plus serein qu’en début de soirée. Est-ce que cela signifiait seulement le calme avant le cataclysme le plus total ? A vrai dire, si on lui avait posé la question directement, même Charles n’aurait su apporter une réponse concrète à l’interrogation présentement posée. Ainsi, c’était donc le cadet des De SaintLouis auquel il allait devoir s’intéresser ? Fort bien. Il ne le tuerait pas. Du moins pas pour l’instant, tant que le doute le protégeait – pour une fois dans vie exécuter à la légère le dérangeait quelque peu. Il aviserait par la suite. L’avenir seule pouvait se targuer d’en savoir davantage, maintenant.

« Vous pouvez disposer, je vous congédie pour la soirée. Tâchez de trouver de confortable bras pour cette nuit mon brave. Et besoin est n’hésitez point à venir me consulter, la mère Macrelle de la Cour possède plusieurs jolies jeunes femmes prête à offrir plus qu’un simple verre d’après ce qui se dit dans les couloirs de mon Château. »

Il ria fortement, sans doute seul sensible à la blague qu’il venait de faire. Enfin… Si on pouvait qualifier la chose d’humour en soit, ce qui était bien difficile au final. Puis, alors qu’il avait tourné le dos au bohémien, s’apprêtant à aller s’allonger sur son lit, il tourna la tête en direction de ce dernier et déclarât :

« Oh, au fait j’allais presque en perdre mes manières… Passez le bonjour à votre chère sœur pour moi, surtout. »

Un dernier sourire étirant le coin de ses lèvres, et tout était finit. Pour lui, en tout cas.

Lui prouver sa loyauté, hein ? D’un autre côté, dans le cas contraire, cette place ne lui aurait jamais été attribuée. Il avait toujours été comme ça, être fidèle à ses semblables, à sa patrie. Sans doute des brides de son éducation…Il faut dire qu’il avait eu du mal, coté trahison, avec sa chère belle-mère. Encore aujourd’hui, la pilule ne passait toujours pas, d’ailleurs. Si sa sœur n’avait pas pris la vie de cette femme…C’est sans doute lui qui s’en serait chargé. Lorsqu’il s’agissait des créatures de la nuit, il n’était plus à une vie près, après tout.

C’est lorsque le Roi aborda le sujet de sa compagnie pour la nuit, qu’il ne sut comment réagir. Oh, cela partait certainement d’une bonne intention cela dit…Après avoir passé une nuit à s’occuper d’un enfant aussi capricieux que sa mère, le milicien avait surtout besoin de sommeil. Et puis de toute façon, maintenant qu’il parlait de sa sœur, il ne pouvait aussi négliger le fait qu’elle n’appréciait guère les conquête d’une nuit de son jumeau…Et en ce moment, il ne voulait surtout pas la frustrer sur ce point, de peur de la retrouver en en sanglots peu après.

« Je n’y manquerais pas. Reposez-vous bien. »

Et sur ces mots il tourna les talons pour rejoindre son foyer. Oh ça non, il n’y manquerait pas, mais sa sœur n’accepterait certainement pas ses salutation, et l’idée le fit sourire.

Il y a des choses qui ne changent pas.