"Étranges accointances,
Divines minutes l'où l'âme vagabonde
Libérée, enfin, de tout ce qui l’inonde."

Engourdissement, fièvre, étrange sensation de nausée, voilà plusieurs jours qu'un malaise persistant accompagnait la reine depuis le saut du lit jusqu'au repas du midi. Un puisement qu'elle n'aurait jamais imaginé possible l'obligeait à rester au repos une partie de l'après-midi et son visage pâle laissait présager une quelconque maladie que bons nombres de courtisans déjà relayaient.
Mais il en fallait bien plus pour déstabiliser la petite lionne qui se forçait à assumer ses devoirs.
On avait fait venir un médecin, mais pour une fois elle évita la présente du chirurgien royal pour lui préférer une personne conseillée par Arwen, de condition plus modeste.
Ce dernier avait fait une osculation de la reine, avec une précaution presque maladroite parfois, puis, il se pencha vers Diane et lui murmura quelques mots.

La porte s'ouvrit, alors que le docteur venait de finir son rapport discret à la dame, cette dernière tourna son regard doux vers le nouvel arrivant, une expressions d'étonnement se lisait sur son visage enfantin.

Mais qu’avait-il donc fait, par tous les saints ? Le Monarque de France, sur son Trône élancé, se tenait présentement l’arête du nez. Un mal de crâne atroce l’avait habité toute la matinée. Il s’était mentalement flagellé depuis le lever et jusqu’à il y a une poignée de minutes seulement pour tout ce qui s’était passé précédemment, tout particulièrement dans son lit conjugal. Il avait consommé son mariage, enfin. D’aucun verrait la chose comme une très bonne chose et une bonne augure pour l’héritage du pouvoir, seulement, lui ne voyait pas la chose sous cet angle. Il essayait tant bien que mal depuis ce fameux jour de chercher la raison même de cette faiblesse l’ayant jeté tout entier dans les bras de Diane.

Seigneur ! Pourquoi ?! Il se serait presque senti défaillir s’il insistait dans cette voie-ci, alors il se motiva pour tenter de penser à autre chose. Mais ce ne fut guère une chose aisée, surtout lorsqu’il sentait la propagande de la nouvelle se répandre et que les regards indiscrets de tous les courtisans de la Haute-Cour semblait le déshabiller littéralement dès lors qu’il mettait un pied dans une pièce ou un semblant de vie régnait. Un frisson désagréable le parcouru. Décidemment, aujourd’hui ne promettait pas de se dérouler sous un bon jour.

Soudain, au détour d’un couloir, un serviteur fit une révérence maladroite devant sa Seigneurie, épousant presque le sol. Il bégayait tant et si bien que le Roi eut à user de sa voix lourde et rauque pour lui faire reprendre constance. Ah, on le demandait dans la chambre de la Reine. Miséricorde, il ne manquait plus que cela. Mais bon, il ne pouvait spoiler cette requête, c’aurait jeté l’opprobre sur son image et il n’était guère en mesure de supporter les railleries des bourgeois en ces temps-ci, alors que les tensions avec l’Angleterre étaient à leurs apogées. Et puis au moins, il pourrait ainsi fuir les yeux curieux de tous ces indigents qui le filaient de manière bien indiscrète.

Entrant avec une expression neutre dans la pièce, il ne prit même pas la peine de regarder les âmes autres que sa « femme » et se posta près de la fenêtre d’un geste vif, le Soleil renfonçant ainsi son aura de grandeur tout à coup. Il dit ;

« Je suppose que vous ne m’auriez point fait convoquer en vain, Diane. Alors ? Quelle est la raison de tout ceci ? »

Le tout avec une certaine suspicion dans la voix. Il n’aimait guère l’ambiance pesante qui se tissait entre ces quatre murs.

Il entra, de son pas sûr et preste,e t avec lui sa mauvaise humeur.
La voix du monarque la fit légèrement sursauter, et agiter le petit docteur présent.

"Je... je m'en vois navrée de vous déranger ainsi, mon..mon roi."
La voix de la reine était pâle, ténue, légèrement murmurée. Elle baissa la tête se sentant coupable qu'il ait pris sa demande pour un ordre.

"Je...vous avez probablement mieux à faire, je..."
Elle se mordit la lèvre inférieur, non, lui dire de partir maintenant sans lui donner des précisions le rendrait moins affable. Mais quelque chose la retenait de trop parler, de trop s'exprimer... Finalement, elle se redressa lentement, malgré les protestations du médecin, qui ne savait décidément plus où se mettre. Diane compris son malaise bien vite et d'un regard, ainsi que d'un sourire, elle le renvoya en le remerciant. Puis, son attention revint sur son époux qui était tout de lumières vêtu, il l'éblouissait, point étonnant qu'il soit le soleil et elle la lune.

"Mon..." Comment commencer? on ne lui avait jamais appris à gérer ce genre de situation.
"Je... j'ai été bien malade ces derniers jours et..." Non, ce n'était pas ainsi qu'il fallait le tourner, la jeune reine fit un léger geste de la tête baissant son regard violacé.
"Bien entendu, je ne vous aurai jamais demandé d'accorder un peu de votre précieux temps pour une simple maladie, mais ... le médecin... a .. enfin, je pense que vous êtes concerné "
On s'emmêlait les pinceaux encore une fois, et ce de manière magistrale, Charles savait la déstabiliser.

"Je...je suis enceinte." Elle déglutit, visiblement gênée par la situation, était-ce de cette façon que l'on annonçait à un roi sa grossesse?

Il s’était attendu à tout. Vraiment à affronter n’importe quelle situation possible et imaginable.

Sauf une. Le moins que l’on eut pu dire était que sa Seigneurie ne s’attendait pas le moins du monde à ce genre de nouvelle. Chaque mot semblât alors venir se déposer avec la lourdeur d’un millier de chevaux sauvages déchainés sur ses épaules. Il dût prendre appui contre le mur le plus proche en y étalant son immense main, telle une araignée de chair. Perturbé, il n’aurait su l’être plus. Et l’expression qui accompagnait alors le tout, permettant ainsi de lire à même son visage la teneur de ses pensées, ne faisait que confirmer cet état. C’était bien l’une des rares fois que Charles de France apparaissait si décontenancé et … faible devant autrui. Aucun des mots qu’il tentait vainement de prononcer ne trouvait parures suffisante pour s’extraire de sa gorge nouée. Il ouvrait et refermait ses lèvres de manières éclectiques, si bien qu’il se trouvât lui-même ridicule à agir de la sorte après une poignée de minute ainsi.

Il se retint de poser cette question tranchante « qui est donc le père ? » car bien qu’il n’ait que peu d’affection pour Diane, il lui connaissait en revanche une dévotion et une pudeur sans égale. Ce n’était clairement pas le genre de personne à se vanter de son statue de Reine pour aller s’attirer les faveurs des filles de joies masculines plus aisément. Non, absolument pas. Et dans un sens, il pouvait remercier le Tout-puissant pour cela ; bien qu’il ne comprenait toujours pas pourquoi un tyran tel que lui avait écopé d’un si bel ange à ses côtés. L’injustice peut-être si belle et répugnante de concert, parfois.

Sentant que ses jambes allaient finir par le lâcher s’il persistait à rester debout, il vint s’asseoir sur le rebord du lit ou reposait sa « moitié » et, de ses yeux verts lumineux, lui demandât le plus sérieusement du monde ;

« Est-ce bien vrai, Diane ? »

Tout se jouait maintenant.

Charles sembla interdit par l'annonce que venait de lui faire son épouse. Il y avait alors une ambiance plutôt lourde, lui ne sachant visiblement pas sur quel pied danser et elle.... elle se retrouvait fort dépourvue de ne pouvoir réagir en conséquence, avec plus de dignité.
Elle le fixa à son tour, dardant ses prunelles mauves claires dans celles de son époux, elle fronça légèrement les sourcils en signe d'étonnement. Maladroite petite chose, elle se triturait les doigts visiblement aussi mal à l'aise que lui.

"Je...."
Elle déglutit, cherchant ses mots dans son esprit quelque peu embrumé par sa faiblesse physique et l'annonce quelque peu déconcertante de son médecin. C'était si soudain, après presque 6 ans de mariage, elle se retrouvait enfin enceinte, mais avait une sensation étrange qui la tiraillait au creux de son ventre.

"Je... je ne saurais vous mentir sur un sujet aussi... grave, mon seigneur. " Elle baissa la tête, tremblant légèrement. Avec Charles, il fallait s'attendre à tout, i était si changeant dans ses attitudes, comment deviner sa réaction?
Elle était heureuse, mais avait peur, peur de ne pas être capable d'assumer ce rôle, peur de ne pas être à la hauteur de la tâche, elle le savait, elle n'avait pas le droit à l'erreur.

"Je suis vraiment navrée de vous avoir tiré de vos occupations, pour... j'aurai peut être dû attendre un meilleur moment pour vous annoncer cela, avec cette... guerre..."

Ses pensées se tournèrent un court instant vers le souverain d'Angleterre, et elle sentit ses larmes lui monter aux yeux, mais elle tenta de les retenir un maximum, ravalant son sanglot avec fierté, elle finit par faire face de nouveau à son époux, ses yeux remplis de questions.

Il le sentait bien. Sa présence seule rendait mal à l’aise la jeune Souveraine. Ou plutôt, elle réagissait exactement comme tout le monde, en demeurant apeuré par l’aura que transportait avec lui le Roi de France, et ce, en permanence. En soit, envers d’autres, ceci n’aurait point déranger l’homme outre mesure. Il avait l’habitude qu’on le craigne et qu’on ne l’apprécie guère. Seule une poignée de personnes avaient jusque-là put se tirer de ce miasme purulent avec lequel il parvenait souvent à dissoudre les gêneurs qui se mettaient en travers de sa route – il pensait notamment à deux femmes respectivement nommées Lizbeth et Crystal qui avaient eu le mérite pour le moins singulier de le marquer aux jours d’aujourd’hui. Et maintenant une troisième s’apprêtait, peut-être à s’en extirper à son tour, le temps de quelques mois tout du moins.

Le cœur du Roi bâtait à un rythme lent et reposant. Voici bien longtemps qu’il ne se sentait pas aussi serein.

Soudainement, c’était comme si tous ses problèmes s’était envolés et que plus rien n’importait à part cette petite vie qui allait bientôt venir combler la salle du trône depuis maintenant vide de rires enfantins depuis bien trop longtemps. Cette pensée fit prendre un ton de couleur supplémentaire au Suzerain. Mais il n’en oubliait pas pour autant la première concernée ; Diane.

D’un geste vif mais pas brutal pour autant, il entoura sa femme de son puissant bras gauche et la ramena doucement tout contre lui, contre son torse et la chaleur qui en émanait. Il y avait tout de même une question restée alors en suspens mais qui avait toute son importance aux yeux du Monarque. Il devait savoir ;

" Mais vous, Diane… Êtes-vous heureuse de cette situation ? »

Tic. Tac. Tic. Tac.

Il eut une réaction des plus déconcertantes, et jamais elle ne s'était attendue à pareil accueil de la nouvelle, jamais.
Il y eu une seconde battement, durant laquelle elle eut besoin de se remettre de cette surprise, puis, ses mains fines vinrent agripper la tunique de son époux, alors qu'elle avait cessé de trembler.

"Je suis partagée... je ne peux vous le cacher..."
Une voix calme et douce, comme à son habitude, elle leva ses yeux vers lui un sourire aux lèvres.

"Je me sens heureuse, comblée même que mes prières aient trouvé un écho, mais... d'un autre côté, j'ai peur... terriblement peur..."
Elle l'avait dit, sans la moindre hésitation avec une sincérité désarmante, il était évident à sa voix légèrement tremblante qu'elle avait peur, mais pas de la façon dont s'imaginait le souverain.

"Serais-je assez forte? assez bonne pour assumer cette vie et la protéger? Serai-je capable de donner à ce petit être ce dont il a besoin et le protéger de la cours? de ses manigances? "
Là était sa réelle crainte. Non plus les humeurs de son époux qui semblait changé, sous ce soleil doux, non plus ce que pouvaient dire les autres, mais déjà, on sentait en elle un certain instinct maternel.

"Je... je le sais bien que mon rôle ne me permet point de douter, je me dois de tenir mon rang, mais... je... j'ai conscience d'être jeune, et... inexpérimentée, serai-je à la hauteur de cette tâche? "

De nouveau, elle leva son regard vers Charles, et lui sourit avec une tendresse presque fraternelle:
"C'est un précieux présent que vous m'avez fait là"

Charles de France était né d’une union de chair et de sang mais avant tout d’amour réciproque, allant dans un sens comme dans l’autre. Bien qu’il n’eut jamais pu réellement estimé son père, et que sa mère soit partie rejoindre les anges bien trop tôt pour qu’il puisse conserver un souvenir d’elle autre que le tableau qu’il conservait soigneusement, le Monarque n’oubliait point ce « détail » qui n’en était point un ; et qui changeait toute la donne, mine de rien.

Un enfant conçu dans l’amour sera toujours une belle chose. Ou, à défaut d’un sentiment partagé, au moins un enthousiasme pour son arrivée devrait pouvoir faire office de substitut. Le Suzerain était heureux, non, ravi d’être bientôt père. Pour lui, c’était une nouvelle expérience qui le tirerait de sa monotonie lancinante en lui apprenant chaque jour quelque chose de nouveau. Et puis il n’était pas dupe, il gardait en lui, comme confiné, une sorte de frustration de n’avoir jamais été aimé en tant que fils et héritier par son propre géniteur. Tout ce manque s’était mué en un baume qui demeurait maintenant impatient de se déverser sur le nouvel être à venir. Le Souverain se languissait déjà de prendre son descendant au creux de ses bras pour veiller sur lui. Il n’avait aucune crainte concernant ses attitudes futures en tant que modèle parental.

Mais entendre Diane se dénigrer, encore, lui fit l’effet d’un courant électrique lui traversant le corps tout entier. Mais il ne s’énervât pas, bien au contraire. Laissant ses épaules retombées, il approchât une main délicate du visage de la Reine et caressa tendrement sa joue, aussi douce que la soie. Puis, il lui décocha un sourire. Mais pas n’importe lequel. C’était le genre de rictus qu’il n’offrait que –trop- peu mais qui ainsi, prenait une valeur inestimable une fois affiché sur son visage.
Un sourire tendre, chaleureux, aimant, confiant.

« Je vous fais confiance pour être aussi compétente dans ce domaine que vous êtes belle, Diane. Ne craignez donc rien, j’injecte toute ma confiance en vos talents de mère. Vous saurez être à la hauteur, j’en suis certain. Tout comme Eléonore de France. »

Que de raretés ! Lui qui ne parlait d’ordinaire jamais de sa mère… Ses yeux verdoyants rayonnaient à présent, comme parsemés de milliards de minuscules soleils en leurs seins.

Lui que l’on disait insensible. Lui que l’on disait remonté des Enfers pour tourmentés ses pairs.

Lui que… que l’on dépeignait avec tant de misères et de mauvaises choses en guises de couleurs et de reliefs, se révélait être là l’exact opposé de ce que l’on voulait bien en montrer au monde. Personne ne le verrait jamais ainsi. Ou du moins pas avant bien longtemps, car cette ressource, cachée au plus profond de lui, ne ressortait qu’en de rares évènements. Telle l’annonce qu’on venait de lui faire sur sa future paternité. Il n’attendait que cela ; qu’on dépende de lui autrement que par un papier ou une autorisation de circulation sur ses terres. Il avait à présent un but véridique auquel il ne pourrait dire non, en face duquel il ne pourrait reculer. Quelque chose qu’il ne pourrait abandonner même en y mettant l’intégralité de ses forces.
Il aimait déjà son enfant.

Il voyait les larmes de son épouse perler sur ses joues et tenta de les essuyer au mieux. Elle ne devait pas être triste. Non, il ne fallait pas. Mais l’action suivante, il ne s’y attendait certainement pas. Comme quoi, Diane savait le désarçonné aujourd’hui. Et il en fut de même pour son petit discours mais qui toucha Charles au plus profond de lui. Immédiatement, il alla enfouir sa tête dans le giron de sa femme et se laissa aller à pleurer quelques instants, ses barrières ayant de nouveau céder. Eclipser son père. C’est vrai, il avait presque oublié cet objectif. Mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. Lui, il aimerait sa progéniture. Lui, il ne serait pas comme Henri. Jamais.

Le calme bien vite reprit, il Souverain se redressa, les yeux encore humides mais pétillants de joie. Son sourire n’avait pas désemplit. Il déclarât alors, tendrement ;

« Non, Diane. Merci à vous. »

Il n’avait plus été aussi sincère depuis bien longtemps.

Jamais le Roi ne s'était senti si bien auprès de son épouse auparavant. Il y avait une sorte d'aura sucrée qui emplissait les lieux et rendait son noir passager, conçu de haine et de dépit, totalement obsolète pour l'heure. C'était parfait ainsi, il ne souhaitait pas que cela change, tant il se serait presque senti flotter.

Des rougeurs envahirent alors ses pomettes de longs en large à l'annonce des voeux de Diane. Elle voulait qu'il soit heureux... Jamais il n'aurait pensé chose pareille possible. Lui qui avait été si éxécrable avec elle, le voila maintenant bénéficiaire de sa... protection? Tout lui paraissait alors invraisemblable. Malgré tout, il sourit, ne sachant que faire d'autre. Puis, en détournant le regard, répondit à mi-mots;

"Incroyable..."

Le changement avait parfois du bon...

Malgré son attitude bien souvent mature, malgré son calme parfois étrange pour un si jeune âge, Diane restait une toute jeune fille à qui l'on avait demandé de grandir trop vite, aussi, lorsque Charles prononça ce mot, elle pencha la tête sur le côté, arborant une expression étonnée, mais candide. Elle cligna des yeux une fois, deux fois, puis murmura à son encontre:

"Incroyable?"

Elle porta une de ses mains devant sa bouche, réfléchissant un court instant:

"Qu'est-ce qui vous semble si incroyable?"

Il y avait du bon par moment à se laisser aller à une certaine simplicité, et il y avait bien longtemps qu'elle avait pas eue l'occasion de redevenir un cours instant, cette jeune fille insouciante qu'elle avait été.
Puis, elle laissa échapper un petit rire, un rire fin et plein d'une joie simple, alors qu'elle reposa sa main sur le crâne de son royal époux. IL n'y avait pas de moquerie, non, juste un besoin de laisser sortir un peu de joie, si longtemps inconnue pour elle.

Ses mots, bien que simples, avaient dépassés largement sa marge de manœuvre. Il n’avait pas prévu, à la base, de les délivrer de leurs écrins de chair chaude. Mais voilà, la vie étant joueuse et irrémédiablement désobéissante, il avait fallu que tout ne se passe guère comme prévu. Il fut surprit de la douceur que Diane avait porté dans son mouvement de main qui était venu caresser ses cheveux. Mais là, ses dires prenaient un sens bien plus profond d’auparavant. Il sourit, encore. Le soleil dardant de ses rayons chaleureux vient donner une dimension nouvelle au visage du Souverain qui n’a d’yeux, présentement que pour sa femme et le futur enfant à venir.

Ses agapes resplendissent alors qu’il prend la peine de répondre à la demande de sa « moitié ».

« Votre don d’abnégation envers moi, Diane ; voici ce qui est incroyable. A votre place, bon nombre de femmes m’auraient ouvertement jeté en dehors de ces murs en refusant de me reconnaître comme le père de leur enfant… si toutefois je l’avais été. Mais vous… Vous êtes bien différente. »

Une respiration profonde fit se soulever le torse du Monarque de manière à affirmer sa puissance impossible à masquer maintenant.

« Merci. »

Sa voix, solide et rauque, ne pouvait mettre de côté l’émotion dont elle était détrempée.

« Ne vous inquiétez point de cette guerre, je ferais le nécessaire pour que les britanniques ne franchissent pas les portes de notre beau pays de France. Je… Je vous protégerais, Diane. Je vous en fais le serment. »

Et comme pour appuyer ces mots, prononcés sans grande complication, il laissât ses lèvres s’écarter une nouvelle fois dans un sourire franc et rassurant. Du moins se voulait-il ainsi.

Il devait alors avoir une bien basse opinion d'elle s'il avait imaginé qu'elle aurait été capable de pareille chose, mais comment pouvait-elle lui en vouloir? On l'avait formé à se méfier, et vivre à la cours de France équivalait à vivre dans une jungle faite de faux semblants et d’hypocrisie. Elle-même en était régulièrement victime, mais malgré tout, elle ne pouvait se résoudre à agir de la sorte.
Diane baissa les yeux un instant.

"Je suis reine, et par conséquent je me dois d'être à mon royaume avant tout. Songer à déroger à mes devoirs, serait très égoïste. Votre rôle de roi vous expose énormément, mais nous autres reines, nous devons de soutenir ceux qui nous sont désignés pour époux, car leurs souffrances sont celles de leur peuple ."

Elle avait été parfaitement éduquée, et ne semblait pas avoir l'esprit rebelle, ni même de revendications concernant son avenir.

"De plus... vous n'êtes pas une mauvaise personne, j'en ai toujours été convaincue. Dieu nous guide et il choisit la meilleure voie qui soit pour nous, j'ai toujours eu confiance"
Elle sourit, visiblement convaincue par ses paroles, mais l'évocation de la guerre la fit subitement blanchir plus que de raison.
C'était bien ce qu'elle redoutait le plus, voir son époux et l'homme que son coeur avait choisit se battre et s'entretuer, comment empêcher cela? Les voir disparaître serait un coup terrible pour son coeur fragile.

"Je.... N'existe-t-il point un moyen d'éviter cette guerre? je..."

Ses yeux prirent une teinte de tristesse.

Le moment de flottement eut tôt fait de s’évanouir dès lors que Diane, une certaine inquiétude dans la voix et certainement dans l’âme de ce fait, évoqua la guerre qui couvait présentement. L’harmonie qui couvait Charles de ses bras maigres fut souffler par une soudaine angoisse, mais non pas pour lui, mais bel et bien pour sa Reine et l’enfant à venir.

Il se releva, perplexe. Ses deux mains vinrent se rejoindre dans son dos et il entreprit plusieurs aller et venue devant l’immense fenêtre de la chambre, baignant donc de nouveau dans une lumière au contre-jour. Il fallait qu’il fasse quelque chose, qu’il agisse. D’ordinaire, partir en guerre contre Philippe d’Angleterre ne lui aurait posé aucun problème. Mais là, de savoir qu’il y avait des risques de répercussion sur sa femme et leur enfant à naître… Non, il n’était plus investit des même désirs présentement. Sa hargne avait été muselée par la simple présence encore incertaine de ce petit être, qui recelait déjà tant de pouvoir sans même sans douter. Il avait été le seul, jusque-là, à éteindre le feu au creux des entrailles du Roi, celui-là même qui le poussait à partir en bataille.

Il fallait qu’il réunisse ses généraux au plus vite pour la suite des opérations.

Faisant volte-face, il adressa un ultime sourire à Diane avant de déclarer, d’une manière princière tout comme lui :

« Je vais faire en sorte de retarder l’échéance au mieux. »

Puis il quitta prestement la pièce, avec la stature et la prestance d’un Roi.

Spoiler:

Quelques semaines plus tard.

Le vent soufflait doucement en ce jour de fête. On avait donné un bal afin d'égayer un peu la morosité de l'hiver, et d’animer quelque peu cette cours engourdie par les rigueurs hivernales.
Les belles dames du royaumes avaient pour la peine sortit leurs plus beaux atouts, sans doutes dans l'espoir d'attirer le regard du roi Soleil. On murmurait dans les alcôves que le souverain aimait les femmes, mais point trop son épouse. Cette dernière conciliante laissait son époux à ses amours, en retrait, et ne gênait en rien les favorites éventuelles. Et déjà, les esprits se prenaient à rêver des faveurs possibles.

Elle était apparue dans une robe de couleur nuit, qui rehaussait la blancheur de son teint. L'étoffe bleu foncée était parsemée de perles, une coupe simple mais haute, qui provoqua interrogations de toutes part.
La reine était de constitution fragile, c'était sut de tous, mais dernièrement il semblait à tous qu'elle était fatiguée, plus pâle encore qu'à l'ordinaire. Elle n'avait que peu quitté ses appartements, et on la disait malade.
Quelle aubaine ce serait pour les ambitieuses!

Mais voilà, malgré tout on parlait de grossesse. Et on confirma cela durant cette fameuse soirée, attisant sans le vouloir la jalousie de certaines.

Il ne fallut pas longtemps avant que l'une d'elles ne passe à l'offensive, et il est bien connut qu'un palais est un endroit remplis d'escaliers. Un couloir moins fréquenté, la reine uniquement accompagnée d'une servante, et une petite poussée bien placée avaient suffit à donner satisfaction à nombres de prières.
La reine gisait au sol, la servante poussa un cri terrible, unique souvenir que Diane garda de la scène, puis, plus rien.

Un bal. Quelle meilleur façon de sortir les beaux apparats et de divertir ceux qui se plaignaient déjà qu’une nouvelle série de guerres allaient bientôt prendre place sur les territoires de France contre sa sempiternelle ennemie, l’Angleterre ? Très étonnamment, ce fut Charles qui en eut l’initiative première. Il avait été d’une humeur tout simplement délicieuse ces derniers temps et, pour une fois, ce n’était pas le fait de savoir une opportunité toute proche de bouter les anglais qui en était la cause. Oh non, c’était une raison bien plus pure qui était à l’origine de tout ça. Et Diane en était l’actrice première.

Oh, non pas qu’il fut tombé soudainement amoureux de sa compagne forcée, mais depuis qu’elle lui avait annoncé être enceinte de lui, Charles la couvait d’attention, s’inquiétant comme il ne l’avait jamais fait. Jamais il n’aurait pu croire que le fait de se savoir bientôt père allait autant le transformer et pourtant, voici qu’il rayonnait d’un éclat nouveau, comme ça ne lui était auparavant jamais arrivé. Un enfant. C’était sans doute ce qu’il avait espéré plus que tout jusqu’à présent, sans bien vraiment le savoir. Il n'avait qu’une hâte, maintenant, de voir ce petit être grandir convenablement. Il ferait tout pour le bien-être du futur héritier et de sa mère, bien entendu.
La fête battait son plein et pour une fois Charles était au centre des discussions, y participant vivement lui-même. Mais, on vint l’interrompre en grande catastrophe. Apparemment, il était arrivé quelque chose à la Reine. Ni une ni deux, il abandonna ses convives et se précipita vers sa femme.

Sa voix rauque résonna dans les couloirs, effrayant les présents. On amena un médecin pour lui porter secours. Après plusieurs osculations, c’est la mine grave qu’il vint voir le Roi. Diane allait bien, ce qui était en soit, une excellente nouvelle. Seulement, sa chute lui avait fait perdre le futur enfant à naître. Ces mots abattirent sa Majesté qui partit se recueillir dans une pièce à l’abri des regards indiscrets. Celle qu’il avait fait apprêter pour l’âme qui aurait dû lui succéder.

A la stupéfaction, avait fait place douleur et fièvre qui clouèrent la souveraine au lit.
La nouvelle ne semblait pas faire son chemin dans son esprit, et elle se sentait quelque peu déboussolée, perdu.
Il était évident qu'après cela, elle serait reniée, chassée dans un quelconque couvant, son honneur bafoué....comment réapparaître devant Charles? et comment pouvait-elle espérer reposer ses prunelles sur Philippe? sa vie s'en retrouvait chamboulée.

Péniblement, elle se leva, profitant d'un assoupissement de sa garde-malade, et se traîna péniblement en direction de la chapelle royale. Un besoin de prier, pour l'âme de son défunt enfant, mais aussi pour un quelconque réconfort divin, l'avait prise, irrépressible malgré la douleur encore lancinante.
LE chemin parut interminable, mais en passant devant la porte de ce qui aurait dû être les appartements de son enfant, elle entraperçu de la lumière, de légers bruissements.
Curiosité? elle entra lentement.

Son époux était là, visiblement bouleversé, et cette simple vision lui donna le vertige, ses pieds se dérobèrent sous son poids, et Diane se retrouva à terre, une main sur sa bouche comme pour contenir tout le flot d'émotions qui voulaient s'en échapper.

"Je suis tellement navrée..."murmurait-elle.

Il était certain que Charles n’avait encore jamais été aussi abattu. C’avait eu le don de l’étonner lui-même. Il n’aurait jamais cru songer un jour se retrouver dans une telle situation. Son cœur lui faisait mal d’un genre nouveau de souffrance, il se sentait vide et froid. Plus qu’il ne l’avait jamais été. Comme si son être tout entier n’avait plus aucun but à accomplir. Il caressait du bout des doigts les draps de satin pastel qu’il avait fait commander pour l’enfant. N’osant trop établir le contact sous peine, sans doute, de souffrir davantage, il se contentait de l’effleurer et rien de plus.

Il fut tiré de sa torpeur éveillée par un bruit sourd, comme une chute. Il tourna la tête vivement, telle un faucon. Et quelle ne fut pas sa surprise de voir sa femme dont les jambes ne la portaient plus ! Immédiatement, il réagit.

« Diane ! » dit-il en la prenant contre lui, posant un genou à terre « Vous devriez garder le lit et aviser le repos... »

Mais il n’était pas dupe ; le Souverain avait entendu ces paroles à peine prononcées. Son épouse devait être tout aussi dévastée que lui, sinon davantage. Après elle aurait dû porter l’enfant. C’était un rôle non négligeable. Il caressa le dos de la jeune femme, avec une douceur qui ne lui ressemblait pas, pour tenter de l’apaiser.

« Ne vous blâmez pas, Madame, je vous jure que je retrouverais les coupables… » Souffla-t-il, comme à bout de souffle « Et que je les ferais payer exemplairement. »

En effet, affolée, la servante lui avait confessé que sa Majesté la Reine n’était pas victime d’une chute accidentelle. Quelques larmes roulèrent sur ses joues, en silence. Il avait déjà pris les mesures nécessaires à une enquête interne. Rarement les choses s’étaient emballées si vite.