Si tout était aussi simple que la nature et ses cycles de vie. La nature, toute cette abondance verdoyante, luxuriante. Inspiratrice de contes et de légende, muse de poètes, mère de chaque vie. Elle était bien le centre de tout, et particulièrement de l’intérêt de notre ami. Les doux méandres de la botanique… Toutes ses espèces végétales susceptibles de pouvoir soigner son prochain par diverses formes d’administration, leurs effets directs, l’action sur l’organisme… Fermant d’un coup sec l’ouvrage qu’il tentait de lire, Samuel pesa la lourde tâche qui lui incombait encore. Il s’était lancé dans une passion qui était loin de l’épargner par le travail, autant intellectuel que physique. A l’heure actuelle, les sciences étaient loin de faire parti de patrimoines et du développement de la civilisation française. Les descriptions dans certains ouvrages de botanique, plutôt novateurs dans leur genre, n’étaient pas les plus loquasses pour pouvoir reconnaître les plantes en question. Ils n’étaient pas toujours accessible, et parfois d’origine étrangère. Un langage universel permettait de communiquer entre isolés de ce monde perdu. Mais son but était avant tout d’agrandir sa pharmacopée et acquérir les rares ayant une activité prouvée sur l’organisme, plus que d’élargir son savoir… Rien ne l’empêcherait néanmoins de la tester pour la certitude de l’expérience, car tout restait encore à découvrir, sans aucun doute.

Poussé par son imagination, et les informations qu’il avait obtenu de divers individus rencontrés en des lieux stratégiques, le jeune marquis s’était affublé comme un serf, dissimulé sous une toile crasseuse afin de se fondre dans les rues étroites du bas Paris. On pouvait cependant trouver des failles à sa panoplie puisqu’en y regardant de plus, on remarquait rapidement le cuir neuf et soigné de ses mocassins ou la blancheur de ses bas. La chance tourna à son avantage, selon le point de vue, car une pluie diluvienne s’abattit alors sur la pauvre cité et rapidement les ruelles devinrent des torrents à traverser. Parmi les masures, il repéra l’enseigne où il avait rendez-vous. Une connaissance qui voyageait de part le monde et disposait d’amis fidèle aux quatre coins de la planète. Il revenait tout juste des Indes et devait apporter avec lui un présent pour Samuel. L’opium ! Cette substance aux vertus si différentes les unes des autres. Il ne parvenait à comprendre comment un composé pouvait avoir autant d’effets si variés alors qu’il était unique. Tout dépendait de la façon dont il était préparé, et de ceci découlait le reste. La bibliothèque de sa chambre recelait désormais nombres d’ouvrages vantant les mérites de la plante à l’origine de cette drogue, le pavot.

Poussant la porte de la taverne modeste et grouillante de badauds, le marquis contempla un instant son reflet dans la petite fenêtre en son centre. Le tenancier devait gagner sa vie en servant vins, bières et liqueurs à ceux qui venaient s’abreuver à son comptoir. Pour un peu, il devait réaliser lui-même sa goutte à partir de quelques fruits récupérer dans un verger voisin. Le secret du vin demeurait, mais il n’empêchait personne d’en produire depuis l’antiquité. L’hydromel des dieux pour la populace que voilà. Il passa commande au propriétaire le temps de sonder la salle entière à la recherche de l’homme dont on lui avait fait la description, puis il partit s’isoler à une table près de la fenêtre, attendant l’arrivée de son rendez-vous, étroitement serré dans la toge qui lui servait de cape. En espérant que l’information ne fut pas un canular… Il ne souhaitait pas s’attarder trop longtemps dans cette bicoque.