Que veux tu savoir ? Quelle image est-ce-que je reflète ? Mais celle qu'il vous siéra... Je peux être qui vous désirez puisque je ne suis plus moi même...
Et si nous commencions par ce qui semble le plus important pour vous, ce qui vous laisse la première impression fusse-t-elle bonne ou mauvaise ? Oui vous l'aurez compris je vous parle bien entendu du visage. Celui censé refléter votre être, le puits sans fond menant directement à notre âme...
Ma peau était par le passé ce que l'on pourrait appeler quelque peu hâlée, travail minutieux effectué par cet astre majestueux qu'est le soleil lors de mes quelques heures passées à travailler dans les champs non loin de la ville. Mais ceci n'est qu'un ancien souvenir je n'ai pas passé beaucoup de temps dans les champs j'ai vite été amené à retourner au sein même de notre grande Londres... Mais ceci n'est pas la question ici...
A présent ce beau teint est depuis de longues années, de trop longues années devenu d'une pâleur extrême dont il m'est impossible de me défaire, la moindre de mes expositions me brûle la chair et ce au plus profond de mon être...
Cette pâleur a cependant un avantage, celui de faire ressortir les deux yeux d'un bleu profond que je suppose je dois à l'un de mes ancêtres. Mais ces yeux là même si pour certains peuvent paraître magnifiques, ils sont loin de l'être... Très loin...
Ils sont vides, deux océans immensément vides, et cela ne date pas d'hier non, bien loin de là, depuis que je suis arrivé de l'autre côté de la Manche ils ont perdu leur éclat. Plus rien ne filtre à travers eux, ils sont devenus tout aussi vides que mon âme. Il vous serait tout simplement impossible de déceler la moindre part de moi même par leur biais. Je suis et je resterai une énigme tout entière pour vous... Ne cherchez pas à me connaître, contentez-vous de mon enveloppe charnelle, la seule chose qu'il me reste de mon ancienne vie...
Des cheveux bruns et soyeux encadrent mon visages aux traits aussi fins que ceux d'une demoiselle, mais ces derniers se révèlent être un vrai casse tête, il m'est tout simplement impossible de les coiffer, certains vont même jusqu'à dire qu'ils reflètent ma personnalité...
Pour finir avec mon minois, mes crocs si caractéristiques des bêtes de mon espèce sont bien cachés aux yeux des humains derrière de fines lèvres ayant perdu toute leur couleur auparavant d'un rose pâle, elles se confondent à présent à merveille avec mon teint laiteux.
Quoi ? Le visage n'est pas le plus important ? Fichtre vous allez directement au but... Enfin je ne peux pas vraiment vous en vouloir... Mon ancien maître était un peu comme vous à vrai dire. Quoique non. Pire.
Mon corps disons qu'il est resté ce qu'il était avant tout ça, le corps d'un adolescent de seize ans, un corps commençant à se former à ce qui aurait dû être son corps d'adulte, des muscles commençaient sagement à se dessiner, mais il n'est pas des plus exquis à voir il faut bien le dire.
Il est couvert de cicatrices en tout genre, petites traces nacrées se devinant à peine sur cette peau incolore. Ma différence m'aura au moins apporté quelque chose de positif même si j'ai du mal à l'accepter, cet être qui n'est pas vraiment moi...
Vous l'aurez donc compris ce n'est pas mon corps qui attire les gens à moi, vous me demanderez probablement alors de quoi il s'agit, mais très cher, pour vous répondre, il faudrait déjà que moi-même je connaisse la réponse à votre questionnement...
Il y a un commencement à tout, pour moi ce ne fut pas un jour froid et sombre d'hiver comme beaucoup aiment le dire, non pour moi ce fut un jour d'été extrêmement chaud et aride, le 24 août 1556 exactement, non pas dans une belle demeure entourée d'une grande propriété avec des parents aimant et déjà un frère et une soeur, non ce n'était pas mon cas. Je suis né en ce jour dans un faubourg miteux de Londres, dans les odeurs pestilentielles des corps en sueur, des déchets s'amoncelant le long des rues et pourrissant sous une chaleur de plomb.
Je suis né au milieu de tout cela, sorti du corps de ma mère qui d'ailleurs m'a laissé là, sur le pavé sale de Londres. Une mère, je ne sais pas si on peut qualifier cette femme ainsi. Certes les temps étaient durs, mais quelle personne peut abandonner impunément son enfant de la sorte dans les déchets, la puanteur de Londres...
A qui dois-je ma subsistance ? A mon père, enfin celui qui par la suite l'est devenu. Il s'agissait d'un simple paysan ayant besoin de main d'oeuvre et d'un orphelinat délabré devant fermé ses portes. Nous n'étions plus que quatre ou cinq gamins à rester, tous les autres avaient été adoptés ou été mort de carence alimentaire, les temps étaient durs et seuls les plus robustes résistaient... Je pense que c'est pour cela que Jack vint nous chercher aussi tard... Il ne voulait qu'une chose de la main d'oeuvre pour essayer tout de même d'avoir une récolte acceptable...
Les jours passaient, nous ne pouvons pas dire que nous ayons eut un séjour malheureux là bas, certes ce n'était pas l'Eden mais ce n'était pas pire que d'être resté à Londres et devoir voler pour survivre. Là bas nous n'aurions sûrement pas survécu autant, nous mangions peu mais au moins nos ventres étaient un minimum nourris...
Cependant les récoltes ne semblaient pas vouloir augmenter et je voyais bien malgré mon jeune âge que le gentil paysan qui nous avait recueilli changé peu à peu d'attitude, il n'était plus aussi attentionné, nous parlait d'une manière froide et ne semblait plus nous considérer comme des êtres humains mais plus comme des poids, les lettres de rappel de non paiement de l'impôt sur les terres s'amoncelaient sans que Jack ne puisse arriver à vendre assez de blé pour pouvoir les honorer. Pour nous le vent de la tranquillité était visiblement en train de tourner.
Mon pressentiment ne fit que s'accentuer de jour en jour, les différents travailleurs partaient tous tour à tour et bientôt il ne resta plus que Jack et trois d'entre nous.
Un matin il nous fit nous lever à l'aube et se laver dans la rivière, chose étrange, nous ne nous lavions seulement les jours de fêtes et encore, seulement ceux où nous nous rendions à l'église. Autant dire que cela n'arrivait presque jamais...
Nous finîmes par partir, la route était longue jusqu'à la ville et nous ne sommes arrivés à destination qu'en fin d'après midi. Je ne connaissais pas le lieux où Jack nous a mené mais jamais je n'oublierais cette odeur si particulière, une odeur iodée, salée et tellement vivifiante.
Cela aurait pu être la meilleure journée de ma vie si elle n'avait pas pris ce tournant... Jack nous fit nous rassembler et nous présenta à un homme qui nous inspecta de haut en bas, je n'y fis pas plus attention que ça tout comme les deux autres garçons avec moi, nous étions trop occupés à regarder tout autour de nous tous ces gens, ces objets plus étranges les uns que les autres, tous les bruits, toutes les odeurs qui nous étaient totalement inconnus.
Lorsque je finis par retourner la tête vers l'endroit où s'était trouvé notre père adoptif quelques minutes auparavant. Rien il n'y avait plus rien. Je tournais la tête à ma droite et ma gauche, mes « frères » non plus n'étaient plus là, je commençais à paniquer, mon coeur battait à mes tympans comme s'il avait souhaité s'échapper de mon être.
Je senti soudain une main glacée se refermer sur mon bras, je tournai lentement la tête et aperçu l'homme avec qui Jack avait parlé, ses yeux me glacèrent le sang.
« Tu viens avec moi mon mignon... Je suis sûr de pouvoir tirer un meilleur prix de toi que des deux autres... Ce vieux Jack ne sait pas qu'elle mine d'or il laisse filer... »Je n'osais pas bouger, une seconde fois, abandonner une seconde fois... Tout ce qui m'avais semblé si beau auparavant s'était effondré autour de moi, l'air ne sentait plus que le poisson pourrissant et tous les gens autour de moi me semblaient vils et agressifs, tout d'un coup je me senti petit et faible, comme si tout autour de moi allait m'écraser au moindre de mes mouvements.
L'homme profita de ce moment où je perdais pied pour m'attraper et me jeter dans ce qui ressemblait à une sorte de cage, on me fit avaler une étrange poudre mélangée à de l'eau et je ne tardais pas à sombrer dans un lourd sommeil.
Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi, à vrai dire cela m'importais peu... Lorsque je me réveillais je me trouvais toujours dans cette cage à taille humaine mais je n'étais pas seul, il y avait d'autres personnes qui m'avaient rejoint, mais aucune d'entre elles ne parlait. Je dois avouer que j'en étais moi même incapable. Nos corps se frôlaient mais nos âmes n'étaient pas réellement présentes... Des tas de personnes se pressaient autour de nous, leurs mains venaient nous effleurer, nous tâter. Je n'aime pas le contacte avec les autres, je n'aime pas qu'ils me touchent je voudrais que tout ça s'arrête comme s'il s'agissait d'un mauvais rêve, mais si tout cela n'était justement que le départ du cauchemar ? Si tout ça ne faisait que commencer ?
Je senti qu'on m'empoignait de nouveau mais je ne bougeais pas, je n'en avais aucune envie, qu'il me tire, qu'il m'arrache de ma place s'il le souhaitait, après tout, tout aller recommencer, je serais de nouveau balloter aux quatre vents...
Je finis par lever les yeux sur cette main qui avait saisi mon bras, je remontais lentement vers ce poignet, ce bras, l'épaule et enfin le visage, toujours ce même homme, je laissais échapper un soupire pratiquement inaudible.
Le marchand me tira sur ce qui ressemblait à une petite estrade, cela aurait pu être mon jour de gloire, ce fut le jour qui signa la fin de mon existence, du moins la fin du jeune adolescent que j'étais alors... Mes oreilles bourdonnaient si bien que je n'entendis pas ces bêtes discuter de mon prix, un homme à l'air plutôt noble et avec un accent français fortement prononcé se détacha de la foule, il portait des habits d'une extrême beauté ce qui attira directement mon regard sur lui. Je ne pouvais m'empêcher de le fixer ne comprenant pas ce qu'il pouvait bien faire parmi tous ces manants. L'homme me sourit, je cru que le calvaire serait fini, il leva la main et j'entendis à ce moment là le marchand déclarer ces mots :
« Adjugé à Messire l'amiral Français ! »Un petit sourire naquit sur mes lèvres, un amiral, ce ne pouvait être qu'un homme bon, peut être pourrais-je enfin quitter cet endroit et commencer une nouvelle vie. Une lueur d'espoir était apparue en moi. Je murmurais tout bas la nationalité de celui que je pensais être mon sauveur.
Je me laissais guider par l'homme jusqu'au dit amiral français, on me lâcha violemment à ses pieds mais je ne bronchais pas, mes yeux étaient fixé sur celui qui je l'apprendrais plus tard n'était autre que l'amiral Coligny.
Cet homme fier et droit me tendit une main que je n'osais pas saisir, si bien qu'il attrapa la mienne crasseuse et me releva, il épousseta mes vêtements d'un revers de la main puis dans un étrange anglais me dit de le suivre à présent. Je ne me fis pas prier et le suivi sans broncher.
Il me fit monter sur son navire, je n'avais jamais vu pareil bateau, il n'avait strictement rien à voir avec ces petites barques ou encore les navires de pêcheurs que Jack connaissait non, celui là était orné de sculptures en bois, je ne savais plus où regarder tant cet endroit m'émerveillait.
A mon grand désarroi je ne restais pas plus avec l'amiral qui me confia à ce qui semblait être le cuisinier de l'équipage, un homme de taille moyenne assez potelé mais ne vous donnant en rien envie de lui chercher des noises...
Ce drôle de personnage m'empoigna sans trop de ménagement, mais en y réfléchissant à présent je ne pense pas que c'était par méchanceté, je dirais plutôt qu'il n'avait pas l'habitude de s'occuper d'autre chose que des aliments qu'il cuisinait avec tant de passion dans la petite cuisine du fier bateau de la flotte française.
Il me déshabilla et me fit assoir dans un tonneau de vin couper en deux dans lequel il ajouta de l'eau puis me mouilla, il me frotta de manière méticuleuse même si j'avais plus l'impression qu'il tentait vainement de m'arracher la peau, mon bronzage semblait lui déplaire si bien que je finis par lui dire que ça ne partirait pas. Le cuisinier émit un petit grognement et quelques minutes plus tard il finit par laisser ma peau en paix.
Le gaillard me sorti de mon demi tonneau, me sécha avec un chiffon rêche et fini par me passer une chemise à jabot blanche et beaucoup trop grande pour moi ressemblant comme à deux gouttes d'eau à celle de l'amiral. Pendant que je m'extasiais devant la finesse et la beauté du vêtement il essayait d'arranger mes cheveux qui eux ne souhaitaient pas être disciplinés...
On me servit par la suite un repas qui me sembla somptueux mais qui des années plus tard m'aparu bien peu par rapport à tout ce que j'allais obtenir par la suite. Je fus par la suite conduit dans la luxueuse cabine de l'amiral, quelque peu timide et impressionné, je n'osais guère bouger pendant un bon petit moment, puis personne ne venant je commençais à prendre mes aises et m'allongeais sur le lit du capitaine en rêvant des rivages de la France, je finis cependant par m'endormir et n'entendis pas l'amiral Coligny pénétrer dans la cabine.
L'homme s'avança vers moi et me regarda quelques secondes avant de se déshabiller, il rangea soigneusement ses habits et finit par monter sur la couchette où j'étais couché. Il se pencha au-dessus de moi et ne tarda pas à venir effleurer mon cou du bout de ses lèvres.
Son souffle chaud et ses lèvres finirent par me réveiller, je sursautais légèrement et regardais l'amiral d'un air surpris sans comprendre ce qu'il faisait, il prononça des mots en français que je ne compris pas.
Ses mains vinrent se saisir du lien refermant le haut de ma chemise et le défit lentement, je n'osais toujours pas bouger comme pétrifié par le regard avide qu'il me lançait, il n'avait strictement plus rien à voir avec l'homme que j'avais vu sur le port, il semblait comme possédé.
Son regard me semblait presque animal, si bien que je finis par baisser les yeux, ses mains passèrent sous le tissu immaculé et commença à caresser mon corps, mes lèvres se mirent à trembler et je finis par lui demander ce qu'il était en train de faire. Il déposa doucement son index sur ces dernières et de son autre main il remonta ma chemise et se mit au-dessus de moi, mon coeur commença à s'emballer de peur. Mon instinct, lui ne me criait qu'une seule chose, celle de fuir, de fuir le plus vite possible de cet endroit, mais mon corps lui était incapable de bouger.
Une douleur innommable finit par inonder mon corps, un cri de douleur s'échappa de ma gorge sans que je comprenne ce qui m'arrivait, je sentis comme quelque chose se déchirer en moi et du sang ne tarda pas à tacher les draps blancs de la couchette. Des larmes perlèrent le long de mes joues alors que j'essayais de me défaire de la prise de cet homme qui tout d'un coup venait de se révéler être mon futur cauchemar...
Les jours passèrent se ressemblant les uns et les autres sans que je ne puisse rien faire par rapport au traitement que je subissais chaque nuit et parfois même la journée, je n'étais rien d'autre qu'un jouet pour lui, un simple jouet lui permettant d'assouvir la moindre de ses pulsions...
Oh bien sûr j'ai plusieurs fois tenté de m'échapper lorsque nous sommes arrivés en France, mais à chaque fois j'étais ramené auprès de lui, un petit anglais ne passe pas inaperçu dans ce pays.
On ne peut pas dire qu'un jour on finit par s'habituer à cette condition mais on finit par en voir les bons côtés, il me suffisait d'être docile et je pouvais espérer avoir de merveilleux cadeaux, des choses que jamais je n'aurais pu imaginer obtenir...
Les années passèrent et l'amiral Coligny finit par me demander de m'occuper de certains autres nobles et mon prestige auprès de la noblesse française ne fit qu'augmenter, si bien que mon maître accepta de me mener avec lui à Paris où devait avoir lieu le mariage de Dame Marguerite de Valois et avec le Roi Henri de Navarre.
J'étais au comble de l'excitation et ne tenait plus en place, il s'agissait de la première fois où j'allais me rendre à la cour, et peut être même la possibilité pour moi de me défaire de l'amiral et de trouver une personne m'acceptant pour mes propres qualités et non pas comme jouet.
Comme j'étais naïf à cette époque là... Ce qui aurait pu être un paradis se révéla vite en fait cacher un funeste futur.
Une nuit alors que je « m'occupais » d'un ami de l'amiral, plus exactement la nuit du 23 au 24 août de l'année 1572, peu de temps après une tentative d'assassinat de mon maître, un vacarme assourdissant retenti dans le bâtiment où les chefs des protestants étaient logés.
Une explosion se fit entendre, je me jetais sur mes habits et les remettais en hâte, mon instinct comme des années auparavant me hurlait de me dépêcher de déguerpir, mais hélas cette fois encore je ne pu le faire, alors que j'ouvrais la fenêtre pour prendre mes jambes à mon cou, une dizaine de parisiens armés rentrèrent dans la chambre et nous trainèrent sans ménagement dans la cour extérieur où gisaient déjà plusieurs corps.
En découvrant ce spectacle macabre je retins un haut le coeur, je butais sur un corps et finit au sol, je découvris avec horreur que mes pieds nus s'étaient pris dans la dépouille de l'amiral, cette fois je ne puis retenir mon haut le coeur et rendis l'ensemble de mon dîner. Je poussais un petit cris de peur et rappelais ainsi aux assaillants qu'ils n'avaient pas terminé leur oeuvre.
Un homme s'avança vers moi munit d'une serpe, je voulu me relever en le voyant s'approcher mais alors que j'essayais de me relever, mes jambes se dérobèrent sous moi refusant de me porter. Le parisien ne sembla pas hésiter, alors qu'il arrivait près de moi, je découvrais avec effroi qu'il ne s'agissait pas d'un paysan en colère comme je l'avais pensé mais un des gardes de la garde royale avec qui j'avais sympathisé durant une des soirées organisées par le roi et dans laquelle j'avais dû me faire discret.
Je l'implorais du regard alors qu'il brandissait sa serpe et venait faire en sorte que je ne puisse plus jamais prononcer un seul mot, il ne s'arrêta pas pour vérifier que j'étais réellement mort et s'éloigna, me laissant me vider de mon sang appuyé contre le mur de l'écurie.
Je finis par perdre connaissance, ma chemise imbibée d'un liquide carmin. Je ne sais combien de temps s'écoula avant qu'il ne vienne, avant qu'il n'apparaisse.
Mes yeux étaient voilés et je ne pu distinguer les traits de son visage, je ne me rappelle que d'une seule chose, sa voix, une belle voix grave qui vint me susurrer que ce soir était mon jour de chance, qu'il allait m'offrir une seconde chance de vivre si je le lui permettais.
Dans un spasme de douleur je soulevais ma main qui vint s'accrocher au haut de l'homme, il dû probablement prendre ce geste comme une supplication, comme une demande. Il se pencha au dessus de moi et dans l'éclat de la pleine lune je crus apercevoir deux grands crocs luire. Le mystérieux inconnu vint déposer ses lèvres contre mon cou avant qu'une nouvelle douleur traverse mon corps et que je retombe dans l'inconscience...
Voilà à présent près de cent ans, peut être même plus que je suis un être de la nuit, une créature de conte folklorique pour certains, un véritable malheur pour d'autre, des enfants de Satan... Mais ces fous n'ont pas une seule fois pensé que cette situation pouvait nous rendre fou...
Malgré les années passées je n'arrive toujours pas à accepter ce qui m'est arrivé. Ce n'est plus mon corps, seulement une enveloppe charnelle vide, mon coeur a arrêté de battre le jour même de mes seize ans, me figeant à jamais dans ce corps d'adolescent. Un beau visage pour un corps mort.
Ne plus pouvoir s'exposer au soleil sans avoir peur de brûler à la moindre exposition, ne plus sentir ce liquide chaud couler à l'intérieur de nos veines, ne retrouver cette sensation qu'en chassant...
Cette douce sensation de chaleur, de douceur, comme si je revivais, comme si à ce moment là mon coeur recommençait à battre pour quelques minutes seulement.
Je n'ai pas arrêté mes activités depuis ce jour malheureux de ma « renaissance », je continu d'être un domestique itinérant... aux talents... particuliers !
Ce corps n'est plus vivant, il n'est plus mien, alors pourquoi se priver de ce qu'il pourrait m'apporter... Autant vivre à en crever. Mais que dis-je ? Mort je le suis déjà et ce depuis déjà quelques années...