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 Mangez Moi, Mangez Moi, Mangez Moi...[PV]

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MessageSujet: Mangez Moi, Mangez Moi, Mangez Moi...[PV]   Mangez Moi, Mangez Moi, Mangez Moi...[PV] EmptyMar 1 Nov - 0:35

~|| Chapitre I :
Partie I : Un après-midi d'automne.


    Et je ne continuai pas. Je m'étais tout à fait tournée, Je contemplais l'étrange tableau qui s'effaçait derrière moi. La nuit était presque venue ; un lent crépuscule tombait comme une cendre fine. Le paysage, vu de face, dans le jour pâle qui traînait encore sur l'eau, s'arrondissait, pareil à une immense plaque d'étain ; aux deux bords, les bois d'arbres verts dont les troncs minces et droits semblent sortir de la nappe dormante, prenaient, à cette heure, des apparences de colonnades violâtres, dessinant de leur architecture régulière les courbes étudiées des murs ; puis, au fond, des massifs montaient, de grands feuillages confus, de larges taches noires fermaient l'horizon. Il y avait là, derrière ces taches, une lueur de braise, un coucher de soleil à demi éteint qui n'enflammait qu'un bout de l'immensité grise. Au-dessus de ce paysage immobile, de ces futaies basses, de ce point de vue si singulièrement plat, le creux du ciel s'ouvrait, infini, plus profond et plus large. Ce grand morceau de ciel, sur ce petit coin de nature, avait un frisson, une tristesse vague ; et il tombait de ces hauteurs pâlissantes une telle mélancolie d'automne, une nuit si douce et si navrée, que le Bois, peu à peu enveloppé dans un linceul d'ombre, perdait ses grâces mondaines, agrandi, tout plein du charme puissant du paysage. Le trot des équipages, dont les ténèbres éteignaient les couleurs vives, s'élevait, semblable à des voix lointaines de feuilles et d'eaux courantes. Tout allait en se mourant.

    C’était le chemin que j’avais pris, il y a une année de cela à Londres, je m'en souvenais parfaitement. Chaque détail, chaque précieux son et couleur, comme si je revivais intensément l’action passée. Je ne voulais pas me réveiller, mes pensées ne pouvaient me relâcher dans cette réalité, mon but était de m'évader et de rendre ce paysage nostalgique d’une ampleur différente. Je savais qu’à cet instant, je pouvais être tranquille et revivre inconsciemment mes souvenirs passés. Je m’étais promise à ce que ce soit la dernière fois, que j’irais de l’avant, avec cet unique but de monter au sommet et je savais que j’avais besoin de patiente. Comparer le but que l'on souhaite atteindre au pic d'une montagne, et sa vie à un sentier escarpé. Pour accéder au sommet, on a le choix entre gravir le chemin tête baissée, tendu seulement vers son objectif , sans rien voir de ce qui nous entoure. Ou bien, avancer en appréciant le paysage alentour, quitte à ralentir parfois ou à bifurquer, sans pour autant renoncer à atteindre la cime. Dans le premier cas, on se refuse des moments de bonheur en pensant que l'on appréciera le paysage quand on sera en haut. Dans le second cas, on s'accorde du temps pour être heureux, en acceptant les plaisirs et le spectacle de l'ascension. Si pour une raison ou pour une autre, le sommet n'est pas atteint, certains auront tout raté et d'autres auront vu un beau paysage. Certains garderaient cette fin, moi je n’ai pas l’intention d’échouer. La pensée zen nous rappelle ainsi que le bonheur n'est pas au bout du chemin, mais que c'est le chemin qui est bonheur.

    Je me demandais au final depuis combien de temps j’étais ici, assise sur ce banc en pierre à penser, à réfléchir et à sentir cette légère brise dans ma nuque faisant virevoltait mes cheveux dans une légère valse. Il était peu être temps d’arrêter de regarder un point fixe et finalement souffrir d’ataraxie. J’avais pris la mauvaise habitude de ne plus calculer les gens inintéressants et de leur sourire hypocritement accompagné d’un hochement de tête persuasif. J’étais douée pour ça. J’arrivais facilement à tromper les gens, il fallait, bien entendu, les observer avant, ensuite jouer avec les mots, l’expression et c’était dans la poche. J’avais déjà pu exercer mon image sur quelques personnes depuis mon arrivée à Paris et au château, malheureusement, l’élite n’en faisait pas partie. J’aurais tellement voulu avoir devant moi un humain de catégorie noble à terroriser, je n’avais pas encore eu le privilège d’en voir un. Quel dommage. Un soupir s’échappa alors de moi. Je suis déçue, comprenez-moi, je n’ai pas encore croisé beaucoup de personnes, je suis toute nouvelle dans cette ville. L’espoir fait vivre n’est-ce pas ? c’était le moment de croire en autre chose que la loi du plus fort.

    Non, c’était bel et bien stupide de croire à cela. J’étais encore partie trop loin dans ma réflexion, ce n’était pas la première fois. Savez-vous pourquoi certaines personnes ne se dévoilent plus comme avant ou ne se sont jamais dévoilées? Parce que seuls les faibles mettent des années à s'affranchir d'une émotion. Celui qui est maître de soi peut étouffer un chagrin aussi aisément qu'inventer un plaisir. Après tout notre société, notre société est comme un bal masqué, chacun y cache sa véritable nature et elle est révélé par le choix de son masque. Elle est ainsi une mer d'antithèses sur laquelle se brodent des pléonasmes aux oxymores enchâssés.

    Alors que mon regard parcourait le paysage s’étalant devant comme un tableau, il se posa sur un homme qui devait être relativement pressé ; une allure imposante, une aura de noble se dégageait de lui lorsqu’il vint à se diriger vers moi. Et merde maintenant je devais afficher ce sourire stupide en espérant qu’il ne me demande pas si ma journée était plaisante ou non. Mais à voir son visage je devais être chanceuse et éviter toute conversation durant plus de dix minutes, voir aucune par miracle. Mon sourire se figea radieusement en priant pour qu’il n’ose pas m’aborder, le regardant et lui faisant un signe de politesse avec la tête, je finis par le relâcher automatiquement en soupirant par soulagement. J’avais échappé au pire, sur le moment, j’avais juste aucune envie de tomber nez à nez avec quelqu’un qui pourrait éventuellement me broyer les ovaires avec ses conneries.

    Finalement je ne pus qu'être ravie de retrouver ma tranquillité d’avant, il n’y avait pas beaucoup de raison pour que je sois ici, et pourtant, je trouvais l’atmosphère apaisante, le vent soufflait comme une berceuse alors qu’on pouvait sentir à l’intérieur de ces murs qu’il y avait du mouvement, que tout bougeait en se mourrant, pour la plupart j’imaginais. En tournant la tête je fus relativement surprise de voir que je n’étais pas seule. Je ne pus même pas bouger les lèvres, j’étais incapable de sourire pour le moment, je ne m’y étais pas vraiment attendue. Habituellement je sentais bien la présence des gens, mais cette fois-ci je devais être bien ailleurs pour n’avoir rien remarquée du tout. Après une seconde, voir deux qui suivirent ce moment, je ne pus que sourire poliment à cet inconnu l’accompagnant d’une douce expression faciale. Depuis combien de temps était-il ici, j’espérais simplement qu’il soit trop peu observateur pour remarquer quoique ce soit. Je n’allais quand même pas me faire griller maintenant.
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