|
|
| La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] | |
| Auteur | Message |
---|
| Sujet: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Jeu 25 Aoû - 20:05 | |
| Un doux son régnait en maître sur les dunes, une tonalité de flux et de reflux; des bruits à la fois doux et fracassants, forts et pourtant si apaisants. La nature était ici en son plein droit, les humains n'y ayant rien construit, rien créé, la laissant dans son état d'origine. La flore était alors magnifique, car, quoi de plus beau que la simplicité dans un tel contexte? Les vagues, bien plus puissantes que n'importe quel être vivant, étaient pourtant bien plus éphémères que les mortels, venant s'écraser avec fracas sur les rochers. L'écume alors si abondante disparaissait en un instant, comme la mousse d'un champagne remplissant un verre. Mais, grâce à leurs sœurs, elles n'en ressuscitaient que plus vite encore, se créant de nouveau un peu plus loin, et venant rencontrer les rochers une autre fois, puis recommençant à l'infini cet éternel spectacle. Car oui, il s'agissait bien d'un incroyable ballet qui se déroulait devant les yeux des humains, mais auquel seuls les artistes prêtaient réellement l'attention, savourant cette féérie dans toute sa splendeur, avec toute l'humilité qu'un mortel doit faire face en voyant Mère Nature à l'œuvre. Les flots étaient à eux seuls source de musique, de spectacle pouvant être perçu par la vue, et créateurs de sensations reconnaissables au toucher. Même à l'odorat, ou au goût, on pouvait reconnaître l'océan! Bien que ça ne doive pas être très bon en arrivant sur le palais... Vraiment, il fallait savoir contempler tel lieu. Et, en parlant d'homme à l'âme d'artiste, il y en avait justement un ici, en ce moment même.. S'étant levé très tôt pour pouvoir contempler la mer pour la toute première fois de sa vie, Gabriel se trouvait ici depuis un certain temps déjà. Depuis l'aube en fait. Il s'était levé aux aurores pour pouvoir venir ici au plus tôt, et admirer cette prestation tout à fait magique donnée par la nature. D'autant plus qu'à l'heure où il était venu, il avait pu voir le soleil se lever sur la mer. Magnifique, superbe, à couper le souffle, merveilleux. Tant d'adjectifs pour décrire ce qu'avait pu ressentir le jeune aristocrate en regardant cela, mais au fond, était-ce suffisant? Alors, sans perdre une miette du lever du soleil, il avait peint. Oui oui, il avait amené ce qu'il lui fallait pour ça. Commençant par dessiner l'horizon, il avait ensuite centré sa précision sur l'astre qui lui faisait face. Et, depuis, celui-ci s'était levé sans que le jeune homme n'eut fini son ouvrage. Mais, ce n'était pas grave, il n'avait plus que les vagues et la côte à transcrire sur le papier, et cela, ça ne bougerait pas. Il n'avait plus qu'à imaginer les reflets du soleil sur l'eau, et ça devrait être assez réaliste. Tout ce que le jeune peintre espérait, c'est qu'au final, sa peinture puisse faire ressentir ce que lui, il avait pu éprouver comme émotions en regardant ce superbe lever de soleil sur la mer pas vraiment déchainée, mais pas pour autant passive. Il espérait qu'à travers ce qu'il avait pu tracer et colorer sur le papier, les gens puissent entendre la voix de la mer. *La prochaine fois, j'emmènerai Samuel ici. Même si j'aurai du mal à l'y traîner. Et puis, au final, il y dénichera quelque chose qui sera sans nul doute intéressant pour ses expériences.*Se dit le jeune humain à lui-même, souriant. Il est vrai que son aîné avait un esprit très scientifique, et qu'il était très difficile de le tirer de ses sortes de laboratoires et du reste de ses ouvrages à caractère un peu bizarre, il fallait le dire. D'ailleurs, Gabriel se félicitait d'être l'un des rares à pouvoir le tirer de sa concentration. Mais en même temps, son frère était humain, et avait tout de même besoin de voir la lumière du jour de temps à autres! Autant dire que le cadet était là pour ceci. Et pour l'amusement aussi, et ce depuis l'enfance. Comme, par exemple, les fois où il avait réussit à le faire s'échapper des longues et ennuyantes leçons que leur dispensait leur précepteur, bien qu'il en ai séché beaucoup plus lui-même, ou encore les jours où il rendait leur quotidien plus amusant, faisant des pitreries qui firent bien rire son aîné en leur temps. Ou encore, la fois où il avait mit le vin de leur père dans l'abreuvoir des chevaux. Quelle punition il s'était prit ce jour-ci! Riant même à cette anecdote lui rappelant pas mal de souvenirs, le jeune marquis arrêta quelques instants de se concentrer sur son travail, posant ses affaires sur le sol en prenant garde de ne pas trop les salir. Puis, Gabriel se leva et s'étira looonguement, les bras tendus vers le ciel, les mains liées, et se tenant sur la pointe des pieds. Cela faisait sûrement trois heures qu'il était levé déjà, et au moins deux qu'il ne faisait que jouer avec le pinceau sur le tableau. Alors, une petite pause ne lui ferait pas de mal! L'homme d'une vingtaine d'années se rapprocha alors un peu plus du bord de la falaise où il se trouvait. D'ici, il avait une vue imprenable sur la mer, mais également sur les récifs et sur une autre corniche, pouvant peindre ainsi un paysage splendide. D'ailleurs, peut-être irait-il se baigner, tout à l'heure.. L'envie de faire trempette titillait le gris depuis quelques temps déjà. Le gris? Oui, car, étrangement, les cheveux de notre jeune protagoniste étaient d'une teinte argentée, bien qu'elle ne soit pas brillante pour autant... Et heureusement d'ailleurs. Cette nuance assez étonnante de sa chevelure faisait ressortir son teint légèrement pâle, qui prenait place sur une peau étonnamment lisse pour un homme de son âge. Gabriel avait eu la chance de garder certains atouts de l'enfance, peut-être était-ce du à son caractère tout aussi désinvolte et bon vivant que celui des petits! Qui sait, après tout. Ses yeux en amande d'un vert feuille, scrutant l'azur, exprimaient à quel point sa petite promenade du jour lui plaisait, ceci étant confirmé par le léger sourire qu'il arborait. Habillé très simplement, d'une chemise blanche resserrée aux poignets et d'un pantalon noir, ainsi que de bottes, l'aristocrate ne se prenait pas la tête en matière d'habillement. Simple, mais correct. Encore que, parmi les «siens», les gens de la «haute», ce ne serait pas très apprécié. Mais qu'importe! Depuis qu'il était majeur et qu'il ne vivait plus dans le Berry, au domicile de Valençay, au manoir familial, il était bien plus libre qu'avant et se fichait plutôt bien de ce que les gens pouvaient penser! Et finalement, le seul élément qui pouvait peut-être être vraiment distinctif était le port d'une épée, une véritable, à sa ceinture, bien rangée dans son fourreau. Il la portait toujours sur lui, y ayant été habitué. Il fallait vraiment des exceptions pour qu'il s'en sépare, comme une réception par exemple. Humant l'air, sentant la saveur légèrement salée de l'environnement où il se trouvait, l'homme lâcha avec contentement: - Une magnifique journée s'annonce!
Dernière édition par Gabriel d'Estampe le Jeu 1 Sep - 11:59, édité 3 fois |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Jeu 25 Aoû - 21:41 | |
| La brise soufflait sur les flancs de la falaise, douce et caressante, emportant dans ses bras la clameur des oiseaux des mers et le vif arôme des embruns. D'un pas léger, à peine dessiné le longs des broussailles, un sentier grimpait s'enlaçant le long de ce dos d'herbe et de roche, arqué vers les vagues comme pour soutenir l'assaut de leurs attaques répétées. Mais nulle violence ne découlait de ces lieux : terre et mer, amantes éperdues, heurtaient leur deux corps dans l'espoir d'une étreinte, mais si l'une se jetait contre l'autre avec la fureur et la passion des premiers amours, l'autre, figée dans les siècles de sa pierre et de ses racines, ne pouvaient élever ses bras pour adopter les formes écumeuses de son impétueuse maîtresse. A vrai dire, un profond chagrin s'élevait de cette inlassable et inféconde danse éternelle. Qu'elles s'effleurent, qu'elles se brisent l'une dans l'autre, qu'elles se quittent ou se frappent de hurlements déchirants, mer et terre à jamais demeuraient deux cavalières d'une intemporelle mais unique et dernière valse. Le temps avait érodé le bords des larmes amères et aujourd'hui ne filtrait plus dans l'air que cette sensation de douceur aigre que prennent les vieilles histoires qui n'ont plus lieu de porter le nom de «tristes destinées» et se contentent pour le reste des jours de conter au cœur du vent leur immuable dénouement.
Le cœur ainsi serré d'une mélancolie qu'elle ne parvenait à s'expliquer, Aurore déambulait auprès du pied de la falaise, hésitant encore à se hisser à son sommet et ainsi affronter la vue de cette étendue d'eau salée si chère à son cœur, et à la contemplation de laquelle elle n'avait pu se laisser aller depuis son départ hâtif de la lointaine et belle Bretagne. La mâchoire crispée comme au temps de ses premières missions, lorsque la tension tirait ses nerfs, la jeune femme s'entêtait depuis quelques minutes déjà à parcourir la ligne de base de la falaise, de long en large, comme si ses yeux s'attendaient à s'écarquiller de surprise devant l'apparition miraculeuse de quelque nouveau chemin jusque là passé inaperçu. Mais nulle autre route ne daignait s'esquisser sous ses pieds que celle qui serpentait vers la tête du promontoire, et Aurore enrageait de constater une telle faiblesse de sa part face à la perspective d'affronter ses souvenirs. - Voyons, après tout, qu'est-ce donc d'autre qu'une vaste flaque d'eau salée ?, chuchota-t-elle dans l'espoir de se calmer. D'instinct, ces dents se serrèrent aussitôt sur ses lèvres, et la jeune femme regretta amèrement ses paroles. La mer était autrement plus à ses yeux qu'une quelconque étendue de vagues surmontée de cris de mouettes. Un sourire étira sa pâle figure et la douceur d'une réminiscence affleura les rives de ses pensées. Les après-midi de printemps passés à courir avec les enfants du village après ses oiseaux aux longues voix déchirantes, la pêche aux crabes et les courses au travers de l'onde pesante. . . Les couchers du soleil sur le bord de l'horizon, dont son regard pouvait enfin boire l'éclat lorsque, après un long combat, son père lui retirait le bandeau qui obstruait sa vue . . . Et enfin les échanges avec celui-ci, du temps où elle était encore en âge d'écouter ses conseils. . . du temps où elle avait un âge, une ancre dans le cours des années, du temps où la lune n'avait aucun effet sur son corps. Avec un frisson, Aurore chassa cet aspect de sa mémoire d'un geste de la main. Celle-ci demeura momentanément dans l'air, comme si, l'espace d'un instant, elle avait pu ressentir les imperceptibles caresses des embruns et le murmure continuel qui relatait l'amour mort-né qui unissait la terre à la mer, la mer à la terre. Ses doigts se refermèrent sur le vide et son bras retomba doucement le long de son corps. Humant la senteur des vagues, la jeune femme ferma les yeux et décida pour une fois de ne pas refuser l'accès de son esprit à cette frêle et timide mélancolie qui mordait autant son passé que les environs de cette falaise. Après tout, peut être était-ce tout ce dont elle avait besoin après les récents évènements. Un promontoire sur lequel s'élever pour contempler le chemin parcouru, depuis les origines jusqu'à ce jour. Décrivant une vive volte-face, Aurore revint sur ses pas et commença l'ascension de la falaise, suivant le contour presque effacé du sentier. Au fur et à mesure de son avancée, elle sentait son cœur battre tour à tour plus fort, puis plus doucement, en proie soudain à l'excitation, et brusquement à une immense paix. Elle n'y pouvait rien. Son caractère avait toujours été des plus changeants, et elle s'en accommodait pour le mieux, malgré les réserves de son entourage. Marchant plus près du bord, elle sentit naître dans sa poitrine un éclat de rire qu'elle ne réprima point : tendant les bras, elle tourna brièvement sur elle même, d'un pas léger, enfantin, qu'elle croyait avoir perdu au cours de ses longs voyages au travers des ans. Sa cape, lourde sur son dos, lui semblant ralentir sa marche, aussi la retira-t-elle pour la poser sur son bras. Vêtue ce jour-là d'une tunique de lin beige serrée au niveau de sa poitrine de lacets emmêlés, ainsi que d'un pantalon noir de même matière, elle rayonnait de ce bonheur simple qu'ont parfois les gens de modeste classe sociale qui prennent soudain conscience que, bien au-delà de tout ce qu'ils pourraient rêver, la joie de vivre leur appartient déjà, en réponse à tous leurs espoirs les plus fous.
Ainsi évoluait sa pensée lorsqu'Aurore parvint au bout du sentier. Son pas se fit alors plus léger encore, plus craintif, car le sommet de la falaise n'était pas désert. Le regard fixé sur la toile posée là, la jeune femme demeura un instant perplexe, partagée entre une sensation d'éblouissement et de déception. Une présence humaine par ici risquait de fortement perturber le cheminement de ses souvenirs. Mais doucement, sans qu'elle en prenne tout à fait conscience, son cœur se desserra et un vague apaisement la saisit. Après tout, ce n'était qu'un peintre. Personne de bien vil ni, encore moins, dangereux, du moins le présumait-elle. Elle avait longuement côtoyé les amis de l'Art et conservait d'eux une image généralement douce et sympathique. Et puis, de toute façon, l'auteur de la toile semblait s'être absenté.
Aurore s'approcha donc avec précaution du tableau pour en admirer les traits. Il y avait certes là bien du talent, et elle resta un instant pour mieux le savourer. Puis, quand sa curiosité se trouva plus ou moins rassasiée, elle reprit son chemin vers le bord de la falaise. Sur le ciel se dessinait une silhouette que le soleil lui rendait noire et indistincte, aussi s'approcha-t-elle en silence. Alors qu'elle parvenait à sa hauteur, l'individu lança, d'une voix masculine : - Une magnifique journée s'annonce! La jeune femme respira pleinement, se délectant de l'odeur vive de l'air marin, en promenant son regard sur la mer en contrebas, à laquelle les rayons du soleil donnaient une parure étincelante. Puis elle tourna la tête vers le jeune homme qu'elle venait de rejoindre et lui lança joyeusement, ton qu'elle ne devait pas avoir employé depuis des lustres : - Et elle vous a bien joliment inspiré, à ce que j'ai eu l'honneur de voir ! |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Ven 26 Aoû - 11:33 | |
| - Et elle vous a joliment inspiré, à ce que j'ai eu l'honneur de voir!
- Oh, je vous re... HEIN?!
Alors que le jeune marquis avait commencé à répondre par réflexe, sans vraiment réaliser la situation, son esprit l'avait brusquement rappelé à l'ordre, chuchotant sournoisement à Gabriel qu'aux dernières nouvelles, il avait été seul jusqu'à maintenant.. Alors, forcément, le temps que la connexion se fasse entre les petits neurones de notre bout d'humain, puis que le message passe, il avait eu le temps de commencer sa phrase... Qui ne trouvera probablement jamais de fin! Avec son exclamation sonore, le marquis de Fiennes avait sursauté, et même quasiment bondi de surprise, se retournant vers lui même pour voir son interlocuteur, enfin, son interlocutrice, vu la tonalité de la voix qui s'était adressée à lui. Il crut bien que son cœur avait raté un battement! Reprenant son souffle par une longue inspiration, Gabriel retrouva ses esprits et se calma. Surtout que son attitude n'avait pas été des plus dignes et posées devant la jolie jeune femme se trouvant face à lui. Tout ce que le jeune humain espérait, était qu'il n'avait pas effrayé la demoiselle lui faisant face. Rien que ce genre de situation lui relançait dans la figure les paroles de son strict, sévère et très à-cheval sur les principes père:
*Tu es trop impulsif et excessif dans tes réactions Gabriel, tente de te contrôler, voyons qu'elle est cette attitude, nianianiania*
Ah, le nombre de fois que son paternel avait pu lui faire des remontrances de ce genre! Sans même parler des cours de maintien, d'étiquette, de rhétorique et d'éloquence dispensés par son si sympathique précepteur, et en omettant aussi les gentilles mais tranchantes remarques de son aîné sur son manque de tact et de self-contrôle! Grommelant intérieurement contre lui-même, le jeune homme prit le temps de quelques secondes pour observer l'inconnue qui lui avait adressé la parole. Elle était habillée assez simplement, d'une tunique beige serrée à la poitrine et d'un pantalon noir, et d'une cape qui semblait un peu encombrante, mais en même temps tissée dans un tissu chaud et confortable, probablement en cas d'intempéries; en bref, des habits de citadine. Cependant, ce n'était pas cela qui importait à Gabriel, qui pouvait lui-même en ce moment plus ressembler à un de ces petites gens ou au mieux, à un membre de la bourgeoisie, qu'à l'aristocrate qu'il était en réalité. Non, il regardait plutôt son apparence physique en général. Plus petite que lui -en même temps, les femmes de cette époque n'étaient pas des modèles de grandeur, et lui-même était assez grand pour un homme du XVIIème siècle- la demoiselle lui faisant face semblait pourtant avoir son âge, si ce n'était plus. Car, une étincelle dans ses yeux envoûtants, d'un marron rougeoyant, brillaient de l'éclat de ceux qui ont vécu. Quant aux cheveux de la jeune femme, ils arboraient une délicate teinte blonde, d'ailleurs, cette chevelure ressemblait beaucoup à celle de son frère, Samuel. Mais avec la différence qu'elle était d'une nuance, et d'une disposition plus... sauvage. Oui, c'était le mot. Et en plus longue, évidemment. Elle avait un visage très bien fait, aux courbes fines, à la peau pâle et aux lèvres petites mais pas fines et pincées pour autant, non, on pourrait plutôt les qualifier de «sucrées», car elles étaient légèrement gonflées, compensant ainsi leur manque de taille. Quant à ses courbes, même si elles pouvaient être cachées en partie par les vêtements que la demoiselle portait, elles étaient très clairement féminines, donc de la plus charmante création qui soit. Par contre, ses mains arboraient quelques cicatrices... Bref, arrêtant de scruter la jeune femme, ayant peur de se rendre encore plus impoli que ce qu'il n'avait été, Gabriel se remit bien droit, en face d'elle, et bafouilla, plutôt gêné:
- Oh.. Excusez ma réaction quelque peu démesurée. Je ne vous avais pas entendu arriver près de moi, et donc j'ai été assez surpris...
Faisant un grand sourire traduisant à la fois le contentement de rencontrer quelqu'un ici, et en même temps, l'embarras qu'il éprouvait, Gabriel avait ramené une main derrière sa tête, jouant avec ses cheveux dans un geste montrant lui aussi sa confusion. Cependant, ce détail fut bien vite oublié, car quelques secondes après, ces petites marques de malaise disparurent, l'humain retrouvant son caractère habituel: parfaitement comblé par tout ce qui l'entourait, et par-dessus tout, insouciant comme on l'est dans sa jeunesse. Sauf que lui, c'était un cas quand même! A cet instant, il se rappela que la jeune femme l'avait complimenté pour son tableau. Il ne l'avait même pas remercié! Vraiment, il négligeait toutes les règles élémentaires de politesse... Et il lui semblait un peu tard pour dire «au fait, merci du compliment!». Et puis, il n'aimait pas se prendre la tête sur ce genre de questions rhétoriques du «faut-il, faut-il pas?». Alors, plutôt que de lui exprimer directement ses remerciements, il sourit à nouveau à la jeune femme et lui enjoignit de le suivre jusqu'au tableau. Une fois qu'ils furent revenus devant l'œuvre inachevée, le marquis demanda avec un petit air soudainement très attentif et consciencieux:
- Pensez-vous qu'en fond de tableau, devant le soleil, je devrais peindre la silhouette d'un bateau au large, donc qui ne serait qu'un petit détail? Sachant que je dois encore peindre la mer, les récifs, la plage et la falaise, j'ai peur que ce ne soit cependant la bagatelle de trop dans mon dessin. Qu'en pensez-vous, mademoiselle?
A partir de cet instant, l'aristocrate aux yeux verts rapporta toute son attention sur sa peinture, attendant la réponse de la jeune fille l'ayant abordé. Oui, vraiment, il ne savait pas si cette idée de rajouter un bateau, aussi petit puisse-t-il paraître dans le cadre tout entier, était une bonne idée. Cela demandait réflexion, et bonne si possible! L'air marin apportait beaucoup d'inspiration au jeune homme, mais de là à dire que ça ne lui en apportait pas de trop justement... C'est que, quand Gabriel fourmillait d'idées, mêmes si elles étaient farfelues, il avait beaucoup de mal à les trier, à choisir, et à s'en défaire! Ce fut lorsque les iris du marquis rencontrèrent un instant la belle teinte rouge-orangée du soleil qu'il avait peint, lui faisant penser aux yeux de la demoiselle l'accompagnant, qu'il se rappela qu'il ne s'était même pas présenté à son interlocutrice! Oh, mais quelle honte décidément! Pour une fois, Gabriel se dit intérieurement, bien qu'il ne l'avouerait jamais en public, que son père faisait peut-être bien d'être là quelques fois pour lui faire des remontrances sur sa manière de se comporter.. Et précisément, là, ça n'allait pas du tout! Ohlalala, quel idiot il pouvait être parfois.. Ainsi, une fois que la réponse de la jeune fille lui fut donnée, il déclara avec enthousiasme:
- Au fait, je ne me suis pas présenté! Je me nomme Gabriel d'Estampe, mais appelez-moi juste Gabriel! Et vous, puis-je connaître votre nom?
Dernière édition par Gabriel d'Estampe le Jeu 1 Sep - 10:03, édité 1 fois |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Ven 26 Aoû - 21:02 | |
| - Oh, je vous re... HEIN?! Aurore eut un bref sursaut de surprise lorsque le jeune homme poussa son cri, mais bien vite un sourire étira de nouveau ses lèvres et elle dut se battre contre une féroce envie d'éclater de rire. Vraiment, quels que soient les temps, les saisons et les lieux, les artistes qu'elle rencontrait restaient toujours les mêmes : vifs, souvent surprenants, un peu maladroits et franchement attendrissants. Découvrir, loin de tout ce qu'elle avait pu considérer comme son «chez-soi», une chose, une unique chose qui lui soit familière, remplissait son cœur d'un profond réconfort.
Tandis que le peintre semblait se remettre doucement de ses émotions, elle se permit une observation rapide de son allure, en lançant ça et là deux ou trois coups d'œil furtifs sans toutefois se départir de son sourire passe-partout. Il avait tout l'air d'un homme simple, peu soucieux d'afficher franchement son appartenance sociale; malgré tout Aurore la devina aisément à la vue du fourreau de son épée. Ce détail n'accapara pas longtemps son attention car déjà, son regard se trouvait irrésistiblement attiré par l'étrange parure des cheveux du jeune homme. D'une teinte difficilement identifiable, piégée entre un gris clair chaleureux et une nuance d'argent dépourvue de l'outrageante luminescence que renvoient les métaux, ils paraissaient flotter autour de son visage sans s'y rattacher vraiment, formant comme une aura limpide à l'entour de ses traits délicats. Aurore pensa vaguement aux représentations de séraphins tout auréolés de lumière divine, et réprima l'ironie qui menaçait de déformer son sourire en rictus. Fallait-il donc que la nature soit assez perfide pour la mener, elle, le monstre de poils et de crocs, auprès d'une aussi innocente et pure créature ? *Voyons, Aurore, où va donc voguer ton esprit pour qu'il te revienne ainsi chargé de l'imbécile et sotte croyance que les anges sont parmi nous ? Ce bas-monde n'est pas pour eux. Et cet homme n'est qu'un mortel.* Décidant que ces termes suffiraient à faire taire un instant les perpétuelles divagations de ses pensées, Aurore reporta son attention sur la personne qui lui faisait face, pour constater que, résolument, cette chevelure argentée bloquait tout examen minutieux. Son regard tomba brièvement sur les yeux du peintre, se braqua à nouveau sur ses mèches virevoltantes, puis il fut grand temps de déclarer forfait. Quelque peu frustrée de n'avoir pu mener son observation à bout, elle se recommanda intérieurement de demeurer sur ses gardes, au cas où un des mystères qu'elle n'avait pu percer s'avérait dangereux. De ce bref dépistage visuel, elle ne retint qu'une chose, toutefois assez marquante pour influencer considérablement son jugement : le temps d'un détour sur le chemin de ses pensées, ce jeune homme lui avait semblé être un ange, et cela suffisait amplement à la mettre en confiance, bien que cette sensation étrangère lui donnât une curieuse impression de faiblesse. Lorsqu'il s'excusa, visiblement gêné, Aurore laissa enfin échapper son rire longuement contenu, et lui assura qu'il n'y avait là aucune inquiétude à avoir. Vraiment, cette excentricité si propre aux artistes rappelait à la surface de sa mémoire de ravissants souvenirs... Leur écho lointain venait dessiner un sourire rêveur qui, posé sur ses traits, était pour elle comme un oiseau qui revient, plein d'une timide assurance, visiter la main d'un très-vieil et très-ancien maître. Elle suivit docilement le peintre quand celui-ci la mena vers son œuvre, ravie d'avoir à nouveau l'occasion de l'admirer. Le jeune homme sembla alors se concentrer et Aurore ne put s'empêcher d'admirer la courbe gracieuse de ses sourcils légèrement froncés, tandis que ses yeux de jade se voilaient de cette brume opaque que revêtent les âmes artistes lorsqu'elles s'en vont par les sentiers inconnus des vastes et merveilleuses contrées de l'imaginaire. Enfin, le peintre revint à l'instant présent et son interlocutrice l'écouta demander : - Pensez-vous qu'en fond de tableau, devant le soleil, je devrais peindre la silhouette d'un bateau au large, donc qui ne serait qu'un petit détail? Sachant que je dois encore peindre la mer, les récifs, la plage et la falaise, j'ai peur que ce ne soit cependant la bagatelle de trop dans mon dessin. Qu'en pensez-vous, mademoiselle? La réponse mit un instant à lui venir à l'esprit aussi, lorsqu'elle prit forme sur ses lèvres et qu'Aurore constata que le jeune homme s'était de nouveau immergé dans son art, elle préféra attendre un instant encore avant de s'exprimer. Jugeant, après quelques minutes, qu'elle pouvait à présent se permettre de couper l'artiste dans ses réflexions et répondre enfin à la question posée, elle déclara, d'une voix douce, tâchant du mieux qu'elle le pouvait faire part de son avis : - A vrai dire, si je trouve que l'idée de glisser l'image d'un lointain navire dans un tel paysage est tout à fait charmante, il me semble qu'ici, un tel ajout risquerait de briser l'ode à la nature que clame votre tableau. Un bateau est une œuvre des hommes . . . Or, seul ici, en peignant ce lever de soleil, j'imagine que vous avez pu savourer l'éblouissement que projette sur tout esprit sensible à ces choses la vision d'une Nature dépouillée de toute présence humaine. Si mon avis possédait une quelconque valeur, je me permettrais de vous conseiller de ne rapporter sur cette toile que la beauté primaire et pure dont vos yeux ont eu la chance de capturer l'éclat. Aurore n'en ajouta pas plus, craignant de devoir s'aventurer sur un sujet qu'elle ne connaissait que très peu et de blesser, par inconscience, le jeune peintre. Elle ne put cependant s'empêcher de remarquer qu'en lui demandant son avis, à elle, sur son tableau, cet homme aux airs d'ange effarouché lui accordait un grand honneur, et elle s'en trouvait flattée. A vrai dire, elle avait rarement l'occasion de rencontrer, ces derniers temps, des êtres aux occupations aussi raffinées et cette redécouverte du monde des artistes la ravissait au plus au point. Une impression de légèreté se saisit de son cœur et elle partit dans un grand éclat de rire, se laissant emporter par le flot d'une joie refoulée depuis des lustres. Prenant soudain conscience du manque de retenue dont elle faisait preuve, elle s'empressa de reprendre son souffle et lança, confusément : -Ah, vraiment, je suis navrée ! Il y si longtemps que mes pas ne m'ont menée vers un artiste ! Cette rencontre fortuite est un véritable plaisir, mais c'est une sensation que j'ai bien de la peine à contrôler. Le poète sembla soudain se rappeler d'une chose de la plus haute importance, et elle l'entendit s'exclamer joyeusement : - Au fait, je ne me suis pas présenté! Je me nomme Gabriel d'Estampe, mais appelez-moi juste Gabriel! Et vous, puis-je connaître votre nom? Un nom. Bon sang, comment avait-elle pu oublier que les gens normaux avaient coutume de se présenter ? Vite, un nom. Et pourquoi fallait-il en trouver un autre ? Capucine Hautblanc, Fanette d'Ysomore, Lucie Maronbleau. . . Tant d'identités factices avaient coulé sur sa personne, tant de prénoms avaient dévoré le sien. . . Pouvait-elle à nouveau s'appeler simplement «Aurore» encore une fois, rien qu'une fois, ne serait-ce que dans une seule des bouches de cette foule vivante qu'elle nourrissait d'insignifiants pseudonymes ? Coupant court à ses pensées, la réponse surgit d'elle-même, venue du fond de son cœur semi-anonyme et rappelant à temps à son cerveau que parfois, les actes devaient se laisser porter par d'autres courants que ceux d'une mécanique de réflexion bien ordonnée : -Il y a bien longtemps, on me donna le nom d'Aurore. J'en ai eu d'autres, il me faudra à prendre maints autres encore, mais s'il vous fallait m'appeler, ce serait par celui-ci. Je suis Aurore. Enchantée de faire votre connaissance, Gabriel ! |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Sam 27 Aoû - 15:56 | |
| - A vrai dire, si je trouve que l'idée de glisser l'image d'un lointain navire dans un tel paysage est tout à fait charmante, il me semble qu'ici, un tel ajout risquerait de briser l'ode à la nature que clame votre tableau. Un bateau est une œuvre des hommes . . . Or, seul ici, en peignant ce lever de soleil, j'imagine que vous avez pu savourer l'éblouissement que projette sur tout esprit sensible à ces choses la vision d'une Nature dépouillée de toute présence humaine. Si mon avis possédait une quelconque valeur, je me permettrais de vous conseiller de ne rapporter sur cette toile que la beauté primaire et pure dont vos yeux ont eu la chance de capturer l'éclat.
Voici les premières paroles que prononça la belle femme depuis qu'elle avait complimenté cette même œuvre qu'elle devait à présent jauger, analyser, et non pas critiquer mais sur laquelle elle devait donner un avis, un conseil. Il semblait qu'elle avait patienté quelques secondes, ou minutes peut-être bien, avant de donner sa réponse, respectant ainsi la concentration intense de l'homme. Ce qui retira Gabriel de sa méditation en tout premier lieu, ne fut même pas le commentaire très juste que la blonde avait fait; mais le son de sa voix. D'une tonalité douce, mélodieuse, elle fit penser au jeune marquis à l'eau d'un ruisseau, s'écoulant à la fois calmement, prenant son temps, et pourtant, parfois, se précipitant à cause d'une chute, d'une pente due au travail de la nature. Vraiment, il s'agissait d'une voix plaisante à écouter. Cependant, l'attention du peintre fut rapidement ramenée sur le sujet principal: bateau, ou pas bateau? Et, il ne mit pas bien longtemps à prendre sa décision, les paroles de la demoiselle ayant considérablement influencé le damoiseau, qui dit alors avec vivacité et passion:
- Bien sûr que votre avis a une valeur! Et même très importante de fait, car je remarque que vous dites là des choses tout à fait sensées. Quelle idée a bien pu me faire vouloir mettre un bateau sur ce cadre, que je voulais moi-même très naturel à la base! Quelle bêtise, vraiment! Oh, merci, je crois bien que sans vos précieux conseils, j'aurais commis une sacrée erreur! Vous avez bien raison; il n'y a pas besoin d'une présence humaine, lointaine ou non, sur ce tableau!
Voilà la manière de Gabriel de s'exprimer, la plupart du temps, et ce encore plus quand il parlait d'art; un mélange de réflexion approfondie, d'avis posé, mais aussi de fougue, de témérité, et même d'ardeur. Au point où, en général, la plupart des gens ne retenaient que la partie effervescente de sa personnalité, alors qu'il y avait une véritable observation, un jugement précis et une analyse critique dans le tout! Même sur ses propres ouvrages! Après tout, comme on dit, «on apprend de ses erreurs». Le jeune homme se dit que cette demoiselle lui avait été ici d'un grand secours, sans quoi il aurait sans doute gâché, sans s'en rendre compte sur le moment, son tableau. Ce fut alors que la belle partit dans un grand éclat de rire, apparemment très amusée et ne pouvant se contrôler, elle laissait sa joie fuser. Pour tout avouer, Gabriel ne savait pas trop comment réagir; partir dans le même rire, ou s'en offusquer? Car, il était vrai qu'il n'avait rien dit de très drôle jusqu'à présent, même si son attitude pouvait être assez comique pour certains. Cependant, n'étant pas de nature à tout prendre trop à cœur et à s'énerver d'un rien, et encore moins à soupçonner les gens de tout et de rien, le peintre attendit la fin du fou rire de son interlocutrice, un petit sourire amusé se dessinant sur ses propres lèvres. Et l'explication ne tarda pas à arriver; la jeune femme, remarquant d'elle-même son attaque aux convenances et aux bons principes de politesse, se reprit aussi vite que possible, terminant essoufflée, et se justifia, semblant presque aussi gênée que Gabriel au début de leur rencontre:
-Ah, vraiment, je suis navrée ! Il y si longtemps que mes pas ne m'ont menée vers un artiste ! Cette rencontre fortuite est un véritable plaisir, mais c'est une sensation que j'ai bien de la peine à contrôler.
Comprenant alors la raison d'hilarité de la jeune femme, Gabriel sourit d'une manière exprimant son ravissement aux paroles qu'elle venait de déclamer, ses yeux verts d'émeraude pétillants d'une étincelle de malice inoffensive et presque candide. La déclaration de la jeune femme lui faisait très plaisir, car, de manière assez implicite, elle montrait sa considération pour l'aristocrate en tant qu'artiste. Elle le considérait comme tel. Or, lui, un amateur, rien ne pouvait lui faire plus plaisir! Si, peut-être bien le fait d'avoir rencontré une si ravissante jeune femme, elle-même appréciatrice d'Art! Effectivement, la journée commençait très bien... Non, elle ne commençait pas, elle était déjà pleinement entamée après tout! Le soleil étant rendu à un point intermédiaire de l'horizon, il devait être entre neuf et dix heures, sans aucun doute. Oui, une magnifique journée... Ramenant en arrière une mèche rebelle d'un gris-argenté tout à fait troublant, le jeune marquis répondit tout à fait sincèrement, et lui-même tout à fait enjoué par la même occasion:
- Mais je vous en prie! Si je puis vous apporter ne serait-ce qu'un peu d'évasion dans votre journée, ce sera un grand plaisir pour moi!
Légèrement flatteur, charmeur, dragueur notre Gabriel? Mais nooon voyons! Bon, si.. peut-être... un petit peu? Plus franchement, peut-être bien que ses paroles étaient volontairement enjôleuses, mais il n'y avait pas que de ça, mais aussi tout simplement une grande joie de voir que la première personne qu'il rencontrait depuis son départ de Picardie soit si sympathique, et qu'ils aient une si bonne entente pour seulement quelques paroles d'échangées! Mais, que voulez-vous, comme tout jeune homme de son âge, Gabriel appréciait énormément la compagnie féminine, alors si en plus du physique, la personne avait le caractère, que demander de mieux? Après tout, malgré ce qu'on pourrait en penser au premier coup d'œil, Gabriel n'est pas un ange... Sans être un dépôt de Satan non plus. Un humain, quoi! Finalement, notre jeune aristocrate se présenta, nom et premier prénom, sinon la suite risquait d'être un peu longue et fastidieuse à citer.. Et franchement inutile aussi, du point de vue de Gabriel en tous cas. Et par la suite, il demanda l'identité de son interlocutrice. Étrangement, celle-ci sembla hésiter quelques instants à se dévoiler. Voyant les sourcils de sa nouvelle connaissance se froncer, le jeune homme espéra juste qu'il ne l'avait pas froissée involontairement, sans quoi il s'en voudrait certainement. Mais, au bout de quelques instants, la demoiselle finit par se présenter:
-Il y a bien longtemps, on me donna le nom d'Aurore. J'en ai eu d'autres, il me faudra à prendre maints autres encore, mais s'il vous fallait m'appeler, ce serait par celui-ci. Je suis Aurore. Enchantée de faire votre connaissance, Gabriel !
Ainsi, elle avait plusieurs identités, si la déduction du peintre était bonne. N'importe qui, en cette situation, ce serait méfié. Mais, d'après vous, que pensa notre jeune innocent? Que, de toutes façons, d'une ça ne le regardait pas, que de deux il s'en fichait, et que de trois Aurore lui était bien sympathique. Un léger temps de silence suivit la présentation de la jeune fille. Car, le jeune homme avait eu comme une illumination! Non non, il n'avait pas vu la Sainte Vierge, il n'est pas comme sa mère non plus. Et heureusement! Il ne tenait pas à se voir renommé "Elizabeth d'Estampe II"! Non... Aurore. Quelle drôle de coïncidence, que cette rencontre avec une jeune fille portant ce prénom, alors que Gabriel peignait un tableau décrivant l'arrivée du soleil dans l'azur, et que, comble de tout, ce joli brin de jeune femme possédait de magnifiques yeux oscillant entre l'ambre, l'orangé et le rouge! Autour de ces magnifiques iris, un teint approchant celui de la porcelaine, faisant tout à fait penser à l'aura entourant l'astre chaud se levant chaque matin... Et enfin, une chevelure d'un blond sauvage, teinte de l'azur lors de la fin de sa romance avec la Nuit... Qui, en plus, était une appréciatrice de l'Art! Non, vraiment, c'était plus que bien tombé. Le hasard, le destin... Qui sait? La voix de Gabriel s'éleva, enfin, rompant le petit silence qui s'était installé alors qu'il s'était perdu dans ses pensées:
- Aurore... Quel beau prénom vous portez. Tout le plaisir est pour moi!
Il lui fit un grand sourire empreint de sympathie, se tirant finalement de ses rêveries. En bon gentleman qu'il était, il s'abaissa, prit délicatement la main de la jeune femme et y déposa ses lèvres, sans aucune arrière-pensée, chastement et brièvement. Et alors, une fois qu'il se fut redressé et qu'il eu relâché la main d'Aurore, il se rassit sur son tabouret, son épée rangée dans son fourreau heurtant l'un des pieds, faisant maugréer le jeune homme. Il reprit son pinceau, sa palette, et, d'un doigté léger et appliqué, il continua son tableau. Bien évidemment, la compagnie d'Aurore ne le gênait pas du tout, il était tout à fait capable de peindre et de discuter en même temps, en bon hyperactif qu'il était. Et en fait, il avait une petite idée en tête. Et pour cela, il avait besoin de la présence de la jeune femme à ses côtés. Sans quoi, ce serait bien plus difficile. Si bien que, lorsqu'il se fut confortablement installé et qu'il eut donné les premiers coups de pinceaux pour entamer la description des flots, il demanda d'un ton léger:
- Voudriez-vous rester à mes côtés, le temps que j'achève mon tableau? Si cela vous ennuie, bien sûr, je ne vous retiendrai pas.
Dernière édition par Gabriel d'Estampe le Jeu 1 Sep - 10:04, édité 1 fois |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Sam 27 Aoû - 18:53 | |
| Déjà ravie d'avoir à donner son avis sur le tableau, Aurore vit sa bonne humeur gravir quelques échelons supplémentaires lorsqu'il s'avéra que ses conseils n'étaient pas aussi superflus qu'elle l'avait songé. N'ayant elle-même jamais tenu le pinceau, mais plutôt connu l'art qu'au travers d'amis amoureux des Muses, il lui semblait ne pouvoir admirer une peinture ou côtoyer son auteur qu'avec une certaine distance, séparée de cet autre monde par une muraille de verre infranchissable pour les non-initiés. Cet écart perpétuel entre les hautes sphères de l'Art et ses propres actes, plus bas et méprisables qu'elle n'osait se l'avouer, lui était douloureux, et rappelait à son esprit la certitude que son nom serait à jamais entaché par l'ignominie de ses faits et gestes.
Poussant un léger soupir, Aurore jugea que pour l'heure, de telles pensées n'étaient pas les bienvenues. Finalement, il se pouvait que la nature, ce jour-là, s'était réveillée pleine d'intentions plus clémentes envers elle. La jeune femme avait trop tôt jugé les décisions du Hasard. Sous son ordre, cette rencontre inattendue venait peut être justement lui signifier que quelque part, là-haut sur l'échiquier céleste des destinées, on lui pardonnait sa conduite et ses choix. En reportant son attention sur le jeune homme, Aurore ré-orienta également le fil de ses pensées sur sa personne. La couleur de ses cheveux la perturbait toujours, aussi ne parvenait-elle pas à laisser tomber son regard à la découverte des miroirs d'émeraude de son interlocuteur, ce qui brisait sans concession toute possibilité d'en apprendre plus sur lui. Cependant, cette habitude qu'elle avait de mener, à chaque nouvelle rencontre, ce petit interrogatoire purement visuel et pour elle plus ou moins rassurant, se trouvait aujourd'hui comblée par une compréhension dont elle ne déterminait pas exactement là source. Peut être les souvenirs d'anciens amis artistes lui revenaient-ils en mémoire avec suffisamment de force pour se calquer sur Gabriel, lui donnant l'illusion de répéter leurs propres caractères dans un nouveau corps. Mais cela n'avait pas forcément d'importance. Seule comptait cette confiance qu'elle développait, à la fois envers ce jeune homme quasi-inconnu, et en elle-même et la situation présente. Il lui semblait que par une telle matinée, suivant une telle succession d'évènements fortuits mais pour le moins heureux, il ne pouvait rien arriver de bien sombre ou décevant. Aussi Aurore profitait-elle pleinement de cette brusque éclaircie, surgie comme par miracle dans son quotidien habituellement hanté par les ténèbres.
Bien qu'elle appréciât la compagnie de Gabriel, elle ne se laissa en rien toucher plus qu'il ne le fallait par ses propos courtois. Des hommes, elle en avait connus, de bienheureux simplets, d'enjôleurs escrocs de bas-étages, quelques manipulateurs professionnels ou autres gentlemen cachés dans tous les coins des classes sociales confondues, et leurs paroles n'avaient plus aujourd'hui qu'un effet restreint sur ses émotions. Qu'on la flatte, certes, ne la courrouçait en rien, mais sa garde ne se briserait pas aussi facilement. Le baise-main ne la froissa pas davantage, bien que cette pratique ne lui soit pas des plus familières. Elle se contenta donc d'adresser un sourire presque timide, ou du moins discret, au jeune homme. Ici, Aurore sentit qu'il n'y avait rien à imaginer sur les intentions du peintre. Un brin de courtoisie était toujours le bienvenue au cœur d'une conversation mondaine, et il ne semblait se cacher derrière les traits doux et amicaux de son visage aucun monstre aux noirs desseins – bien que, concernant les monstres, Aurore en savait déjà suffisamment pour pouvoir sans mal s'en débarrasser.
En y réfléchissant rapidement, la jeune femme regretta l'instant d'hésitation qui avait précédé sa présentation. Puis elle se souvint qu'au vu des termes en lesquels elle lui avait appris son nom, Gabriel devait se douter de l'ombre qui pesait sur sa personne. Il ne sembla pas s'en formaliser, à son grand soulagement, et la complimenta même sur son appellation. Aurore... Avec le temps, elle-même en était venue à oublier le choix qu'avait fait pour elle son admirable forgeron de père. Des jours heureux et anciens où on la nommait ainsi couramment, elle avait eu l'habitude de recevoir les acclamations chaleureuses des gens, lorsqu'on la présentait à eux, et puis, peu à peu, la signification de ses quelques lettres posées sur son certificat de naissance s'était tout bonnement évaporée de son esprit. Elle revit en souvenir le regard brun de son père où brillait, un peu comme au fond de ses propres yeux, l'éclat des flammes où il donnait vie au fer, et dans lequel avait dû tomber la lumière d'un soleil levant, un jour lointain, un jour où cet astre rougeoyant devait lui avoir semblé assez aimable pour donner le nom d'un de ses états aux bout de vie qu'elle était alors. Prenant soin, avant de répondre, d'enfoncer au fond de sa gorge la boule d'émotion qui y grandissait doucement, Aurore remercia le jeune homme d'un air aussi distrait que possible, afin de donner l'impression que cette remarque n'avait rien de particulièrement inhabituel. Après tout, mentir sur ses sensations devait être un réflexe chez elle, et l'étrangeté de la situation ne lui permettait pas l'oublier.
Lorsque Gabriel se rassit face au tableau et s'en retrouva gêné par le port de son épée, Aurore éclata d'un rire franc, sincèrement amusée par la maladresse attendrissante du jeune homme. D'autres souvenirs lui revinrent en mémoire, comme ses propres difficultés avec les armes lors de ses débuts, et elle décida, bien qu'il lui sembla que le choix avec d'instinct été pris bien avant que le peintre ne pose la question, de rester en sa compagnie encore un peu. - Voudriez-vous rester à mes côtés, le temps que j'achève mon tableau? Si cela vous ennuie, bien sûr, je ne vous retiendrai pas. La jeune femme hocha vigoureusement la tête et s'assit en tailleur dans l'herbe, heureuse d'avoir choisi un pantalon pour sa ballade. Ainsi installée, elle croisa ses mains sur ses pieds, pencha la tête et regarda attentivement Gabriel et son œuvre, ainsi qu'une enfant fascinée qui boit les paroles d'un vieux conteur. Cette position-même lui donnait une sensation d'équilibre et d'ancrage dans le sol, nullement familière et pourtant très agréable. Une légère brise soufflait encore et ses cheveux, toujours prêts à la gêner, se laissèrent cette fois-ci attacher en catogan. Une unique mèche blonde tombait sur son œil, mais Aurore l'y laissa, fermement décidée à ne plus perdre une miette des mouvements du jeune peintre. Enfin, lorsqu'elle se sentit complètement bien installée, elle déclara : - Vous n'aurez pas à me retenir, Gabriel, car je reste volontiers ! |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Dim 28 Aoû - 11:51 | |
| Lorsque Gabriel s'assit et que son épée fit des siennes, enfin, disons plutôt que sa maladresse engendra une position plutôt incommodante, le jeune homme grommela contre cette fichue arme, devant reposer pinceau et palette à terre pour remettre le fourreau bien en place, sans qu'il n'entrechoque les pieds du tabouret alors qu'il s'asseyait! Décidément, s'il était assez doué pour le combat en soi, le reste du temps, le jeune homme avait bien du mal avec la précision de ses gestes... Et, alors que l'aristocrate se penchait sur le côté pour s'affairer avec son épée, il entendit un grand rire, venant des tréfonds de la gorge d'Aurore. Apparemment, la situation l'amusait bien, et, même si ce n'était pas méchant du tout, la demoiselle riait bien de sa gaucherie. A cet instant, le marquis aux yeux verts feuille se sentit rougir, ou du moins le supposa-t-il, car dans tous les cas, il sentait ses pommettes chauffer sous la pression de la petite gêne qui le prenait. Rien de bien grave, et dans deux minutes, il en rirait presque autant qu'Aurore, mais c'est vrai que sur le moment, ça rend forcément un peu... confus. Finalement, quand il demanda à la jolie demoiselle si elle voulait bien rester avec lui tout pendant qu'il continuerait de peindre, Gabriel vit la jeune femme s'asseoir en tailleur, une pose certes bien peu féminine, mais pour tout dire, l'aristocrate s'en fichait. Même le fait de la voir en pantalon, alors que nombre de dames à cette époque ne s'habillaient que de robes, ne l'avait pas tant choqué que cela, il avait juste 'tilté' si l'on peut le dire ainsi, mais rien de plus. Une fois qu'Aurore se fut installée, aussi confortablement que possible bien qu'elle se soit assise à même le sol, sa voix s'éleva à nouveau, répondant au jeune peintre:
- Vous n'aurez pas à me retenir, Gabriel, car je reste volontiers !
A ces paroles, le marquis de Fiennes sourit, content que cette nouvelle connaissance soit d'une nature aussi enjouée, sans quoi elle ne serait probablement pas restée, ou alors, peut-être, juste par politesse, ce qui n'aurait pas donné le même climat, la même ambiance entre les deux jeunes gens qu'ils étaient. Alors, Gabriel se retourna vers son tableau, se concentrant à nouveau et, minutieusement, il continua son ouvrage. Peignant d'abord le plus lointain de la mer que l'œil humain pouvait apercevoir, il rapprochait ensuite les vagues dans une bonne illusion d'optique, mettant plus de précision sur le tracé des vagues, étant plus minutieux sur le choix et la disposition des couleurs; ainsi ce qui était d'un bleu marine au fond, devenait d'un bleu turquoise vers l'avant du cadre. Cependant, il n'y avait pas que cela; le jeune peintre devait aussi se concentrer sur le mouvement; ce mouvement qu'il pouvait ressentir, qu'il pouvait voir face à lui, à la fois fluide, et pourtant si brusque, lorsque les vagues allaient s'écraser sur les récifs, y laissant un peu d'écume lorsqu'elles se retiraient. Gabriel se devait de faire passer toutes les émotions qu'il ressentait dans ce tableau, et pour cela, plus que le souci du détail, même si cela avait son importance, il fallait y mettre du cœur, de la passion. Ce dont notre jeune marquis avait en abondance. A plusieurs reprises, le jeune homme du s'arrêter dans son travail, ne serait-ce que pour repousser une mèche rebelle qui s'était plaquée devant ses yeux à cause de la brise océanique les entourant, lui et Aurore, ou parce qu'il ressentait l'irrésistible envie de s'étirer un peu, de bouger.
Une fois satisfait des flots et des rochers qu'il avait peint, l'homme aux cheveux gris-argentés commença à peindre le sable, bien plus doux que les rochers, et qui n'en était pourtant que la transformation, due aux éternelles secousses des vagues. Et, finalement, Gabriel termina en faisant apparaître sur le papier le bout d'une falaise, sur la droite. Quelques oiseaux, au loin, dans le ciel, non pas peints mais tracés au fusain, pour donner une impression assez floue, les éloignant encore plus que si ils avaient été faits à la peinture, car le fusain est un outil dont le tracé se disperse légèrement au lieu de faire une ligne toute à fait nette et droite. et le tableau était fini. Reposant son pinceau et sa palette de couleurs à terre, l'artiste regarda son ouvrage, globalement satisfait de ce qu'il avait peint. Le principal était que les émotions, les sensations se ressentent. Et pour cela, il avait une critique à ses côtés, à laquelle il n'allait pas manquer de demander son avis:
- Alors, dites-moi, comment le trouvez-vous? Est-il tel que je l'aurai voulu, fait-il passer l'émoi, les impressions que l'on ressent lorsque l'on est véritablement devant l'Océan?
Tout cela lui avait prit une bonne heure, durant lesquelles bien sûr, il avait discuté avec Aurore, ne la laissant pas en plan tout de même! Voilà quelque chose qui n'aurait pas été convenable. Ils n'avaient pas parlé de grand-chose de sérieux, mais plutôt de la pluie et du beau temps; le provincial avait demandé quels étaient les coins de Paris à visiter absolument, les lieux où il faisait bon de se promener. En somme, rien de bien important, juste des paroles sympathiques remplies d'anecdotes. Quand le jeune homme eut fini, tout content, il écrivit, se servant d'une mine de plombagine (ancêtre du crayon à papier :3), «A l'Aurore», de son écriture fluide, délicate et d'une calligraphie plutôt bien réussie. En effet, il aimait bien s'entraîner aussi à cette forme d'écriture. Assez content de ce qu'il avait fait, l'aristocrate se retourna vers la jeune femme et dit, d'un sourire réjoui, les yeux pétillants, espérant avant tout que ce qu'il s'apprêtait à faire ferait plaisir à la demoiselle se trouvant à ses côtés:
- Je viens de nommer ce tableau «A l'Aurore». Aussi, il me semble dans l'ordre naturel des choses que vous en héritiez! Je vous l'offre.
Dernière édition par Gabriel d'Estampe le Jeu 1 Sep - 10:04, édité 1 fois |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Dim 28 Aoû - 13:59 | |
| Durant une heure, Aurore se délecta de cette charmante compagnie, les yeux rivés sur la main du peintre et l'oreille tendue pour ne pas perdre le fil de leur conversation. Subjugué, son regard voletait au-dessus du pinceau agile, suivant ainsi qu'une ombre le moindre des mouvements, admirant le rapprochement des couleurs de plus en plus claires, sombrant dans l'abîme de la contemplation béate, tandis que ses lèvres, en automate, articulaient leur part du dialogue. Si leurs deux voix lui semblaient lointaines depuis les profondeurs de son observation fascinée, les propos qu'ils échangeaient ne lui échappaient pas encore tout à fait, aussi pouvait-elle comprendre et répondre aux paroles du jeune homme. L'équilibre entre l'attention que ce dernier portait à sa toile et celle qu'il accordait à Aurore émerveillait la jeune femme. Comment diantre pouvait-il donc garder la maîtrise de deux branches de concentration radicalement opposées ? Elle-même prenait son temps pour détacher du silence ses quelques mots, et encore, il lui fallait pour cela éloigner un peu son esprit du tableau qui, doucement mais sûrement, prenait vie sous ses yeux. Bien qu'admiratrice de l'Art, Aurore n'avait en effet jamais eu l'occasion d'assister à la conception d'une œuvre, et cette expérience toute nouvelle pour elle l'emplissait d'une joie certaine.
Leur conversation ne demandait certes pas un travail de réflexion intense, et cette simplicité lui convenait. Il y avait longtemps que l'humeur des nuages ne s'était plus tenue au rang de ses sujets de discussion privilégiés. Cette banalité qui afflige bien des rêveurs lui semblait des plus douces et reposait ses pensées tourmentées. Pour une fois, tout œuvrait avec acharnement pour lui ôter de la tête la perspective de reprendre bientôt le chemin du travail. Ses mains ne lui avaient jamais parues aussi blanches que ce matin-là, et le soleil abreuvait ses yeux d'une lumière jusque là inconnue – ou du moins oubliée.
Soudain, il lui vint à l'esprit que cette journée n'était qu'une trêve dans le tourbillon bouillonnant de son quotidien, et que lorsque sonnerait l'heure des «Aux revoir» ou probablement même des «Adieux», il lui faudrait reprendre ses propres affaires et, sans se retourner, cacher dans un coin de sa mémoire cette curieuse rencontre ensoleillée. Prise d'un étrange sentiment d'angoisse, comme un enfant qui, appelé par son professeur, se voit dans l'obligation de se lever devant ses camarades pour réciter sa leçon, elle ressentit l'horreur de la confrontation. Demain, comme toujours, il lui faudrait se lever et faire face, sans espoir d'échapper à sa destinée. Avec un frisson, elle réprima cette nouvelle flopée de pensées noires et se rendit à l'évidence : cette vie, elle l'avait choisie de son plein gré, et rien ne pourrait jamais plus l'en détourner. Finalement une espèce de soulagement l'envahit. Elle savait ce qu'elle avait à faire, aussi échappait-elle au danger de l'errance. Au vue de l'éternité qui l'attendait, mieux valait avoir un but, après tout.
Coupant cours à ses réflexion, ses yeux lui apprirent que Gabriel venait d'achever sa peinture. Éblouie, la jeune femme admira les traits définitifs du tableau, s'imaginant contempler le paysage dans lequel le peintre avait puisé son inspiration. Il avait résolument fort bien réussi son œuvre. - Alors, dites-moi, comment le trouvez-vous? Est-il tel que je l'aurai voulu, fait-il passer l'émoi, les impressions que l'on ressent lorsque l'on est véritablement devant l'Océan?, lui demanda-t-il.
- Ma foi, votre pinceau fait des merveilles, Gabriel, répondit Aurore. Si je suis arrivée trop tard pour découvrir le lever du soleil, ce tableau m'en donne une image bien assez sensible pour provoquer en moi une réelle émotion. Bravo !
Alors le peintre se saisit d'un autre de ses outils et inscrivit quelques mots au coin de sa toile. Quand l'objet s'en détacha, la jeune femme pu discerner les contours d'une élégante et agréable écriture. Ne pouvant la lire de là où elle se trouvait, elle se tourna vers Gabriel qui déjà s'exclamait :
- Je viens de nommer ce tableau «A l'Aurore». Aussi, il me semble dans l'ordre naturel des choses que vous en héritiez! Je vous l'offre.
Les yeux d'Aurore s'arrondirent et sa bouche béante exprima une surprise muette l'espace d'une seconde, mais bien vite, un grand sourire reprit le contrôle de ses lèvres et elle déclara :
- C'est un formidable présent que vous me faîtes là ! Merci infiniment ! Comme je regrette de n'avoir aucun don à vous faire à mon tour...
Successivement gênée, puis émue, puis ravie, songeuse, reconnaissante et indécise, Aurore ne parvint pas, sur le moment, à se fixer sur une émotion précise, aussi lui fallut-il quelques minutes pour reprendre possession de ses moyens. Elle respira calmement, et sourit à nouveau. Vraiment, il lui semblait n'avoir jamais autant sourit que ce matin-là. Enfin, elle aurait auprès d'elle un objet d'Art à admirer et dans lequel se recueillir les jours où le soleil manquerait à l'appel, enfin, elle saurait où porter ses pensées perdues pour trouver un semblant de réconfort... Ce tableau serait certes un objet quelque peu encombrant dans ses nombreux déplacements, mais il ne devait pas être bien lourd et, ayant voyagé en compagnie de macchabées autrement plus imposants qu'elle-même, Aurore jugea qu'elle devrait sans mal gérer cette situation. Elle sut à partir de cet instant qu'elle chérirait ce présent comme le symbole, le souvenir de cette rencontre du hasard qui lui avait donné dans le temps une pause, une trêve, un repos qu'elle n'avait alors jamais osé espérer. Cette toile serait son ancre dans le temps, le signe de l'équilibre qu'elle pouvait trouver entre ses souvenirs heureux et ses réminiscences ombragées. - Vraiment, je ne sais comment vous exprimer ma gratitude..., murmura-t-elle. A défaut de ne trouver les bons mots, puis-je vous inviter à rester encore un peu en ma compagnie ? Nous pourrions, par exemple, aller marcher près de la mer... |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Dim 28 Aoû - 15:56 | |
| - Ma foi, votre pinceau fait des merveilles, Gabriel, répondit Aurore. Si je suis arrivée trop tard pour découvrir le lever du soleil, ce tableau m'en donne une image bien assez sensible pour provoquer en moi une réelle émotion. Bravo !
Lorsque Gabriel entendit ces compliments, il s'empêcha de sauter de joie à grand-peine, car, grâce aux quelques paroles de la jeune femme l'accompagnant, il réalisa que son objectif avait été atteint; et de la part d'une amatrice d'Art telle qu'Aurore, ce n'était pas comme si ses mots étaient sans réelle valeur, sans importance. Vraiment, cela lui fit très plaisir, d'autant plus que la demoiselle avait précisé qu'elle n'était pas venue assez tôt en ces lieux pour voir le magnifique lever de soleil qu'il y avait eu; ainsi, le fait qu'elle se sente émue par celui du tableau de Gabriel prouvait que celui-ci avait rendu son cadre assez réaliste. Ces paroles ne l'encouragèrent qu'encore plus à faire ce qu'il avait prévu; et alors, le jeune marquis nota, avec une mine qui donnait une écriture grise-noire, dans un coin du tableau, le titre de celui-ci «A l'Aurore», et signant de son prénom en-dessous de cela. C'était quasiment une dédicace, le titre pouvant faire jeu de mots en présence de la demoiselle. Mais, c'était tout à fait sans prétention; juste, un présent fait pour faire plaisir. Et peut-être qu'ainsi, ceci rappellerai à la jolie jeune femme sa rencontre fortuite avec Gabriel, qui sait? C'est à cet instant que l'humain d'une vingtaine d'années déclara à la quasi-inconnue qu'il lui faisait cadeau de cet ouvrage. Et alors, il eut la surprise de voir son visage se transformer en fonction de ses émotions, ce qu'elle n'avait pas fait, du moins pas à ce point, jusqu'alors: ouvrant d'abord grand la bouche de surprise, manquant de faire rire le peintre tellement c'était comique, la demoiselle fit ensuite un grand sourire d'allégresse, disant alors:
- C'est un formidable présent que vous me faîtes là ! Merci infiniment ! Comme je regrette de n'avoir aucun don à vous faire à mon tour...
Le jeune peintre sourit, satisfait de la tournure de la situation qui se passait exactement comme il le voulait: la demoiselle était tout à fait contente du présent qu'il lui faisait, comme ce qu'il avait espéré. Vraiment, cette rencontre égayait cette journée qui était à la base, déjà bien partie pour se passer de la manière la plus agréable possible. Il se doutait pourtant, comme Aurore l'avait pensé intérieurement, que cette rencontre ne donnerait pas suite à quoi que ce soit; que chacun repartirait de son côté, disant au-revoir à l'autre avec un petit sourire, et voilà tout. Cela attristait un peu d'avance le peintre, qui se sentait bien seul depuis son arrivée à Paris, ne sachant nullement quand est-ce-que son frère aîné arriverait dans la capitale et le rejoindrait enfin. Si c'était possible, Gabriel apprécierait de garder contact avec cette pétillante jeune femme, qui était d'une compagnie tout à fait appréciable. Mais, comme il avait pu le deviner lorsque, par exemple, il l'avait vue apparaître en pantalon, tenue typiquement masculine, ou encore qu'elle lui avait dévoilé son véritable prénom, mais sous-entendant qu'elle en avait eu d'autres et qu'elle en aurait encore de nouveaux plus tard... Elle était assez mystérieuse et insaisissable, alors, comment pourrait-il se débrouiller pour lui proposer de, peut-être, se revoir? Finalement, laissant de côté pour l'instant ces pensées réfléchies, le jeune marquis se concentra à nouveau sur le sujet de leur conversation. Ne voulant pas qu'Aurore se sente redevable de quoi que ce soit, l'aristocrate dit, un soupçon d'insouciance et de joie dans la voix:
- Je vous en prie, ce n'est pas grand-chose, et encore moins un don pour lequel vous me devriez quelque chose en retour. Cela me fait plaisir de vous l'offrir.
Il la regarda avec un sourire sincère, et la vit à nouveau passer par différentes expressions; la confusion, la gêne, lorsque ses joues se teintèrent d'un léger pigment rosé tout à fait charmant, qui fit sourire encore plus notre jeune marquis; puis, l'émotion, traduite par une étincelle dans les yeux d'une couleur si étonnante de celle à qui Aurore allait décidément bien, comme prénom. Ensuite, ce fut le ravissement, démontré lorsque les lèvres de la jolie demoiselle s'étirèrent en un léger sourire, discret et pourtant, tellement significatif de ce qu'elle pouvait ressentir à cet instant. Alors, la réflexion arriva sur les traits de la jeune femme, lorsque ses sourcils se froncèrent, songeurs, et que ses yeux s'assombrirent légèrement sous le fait de la concentration. Vraiment, il pouvait être plaisant de décrypter les émotions des gens par rapport à leurs expressions! Ah, désormais, c'était la reconnaissance qui se peignait sur les traits de la demoiselle, qui regarda un bref instant Gabriel droit dans les yeux, puis, finalement, l'indécision, les iris de la quasi-inconnue allant de droite à gauche dans ses orbites. Quelques minutes passèrent ainsi, dans un petit silence, non pas tendu mais calme, presque amusé de la part du noble, qui attendit patiemment que sa nouvelle connaissance reprenne possession de ses moyens. Finalement, Aurore reprit la parole, pour proposer, dans un murmure tout juste audible:
- Vraiment, je ne sais comment vous exprimer ma gratitude... A défaut de ne trouver les bons mots, puis-je vous inviter à rester encore un peu en ma compagnie ? Nous pourrions, par exemple, aller marcher près de la mer...
Gabriel sourit franchement, allons, il ne fallait pas qu'elle se mette dans tous ses états! Ce n'était qu'un tableau, bon d'accord pas trop moche, mais un simple cadre fait par un peintre amateur, sans dire que c'était à mettre à la poubelle, ce n'était pas une merveille pour autant! Puis, il prit compte la suite des paroles de la jeune femme, elle lui proposait d'aller faire un tour, de marcher au bord de l'eau.. Pourquoi pas! Souriant, l'aristocrate lui fit un clin d'œil, et signe de patienter. Il passa très légèrement un doigt sur sa peinture, pour voir à quel point celle-ci était sèche. Ce n'était pas encore total, mais c'était déjà bien avancé. Couvrant alors le cadre d'une toile, pour le protéger, le jeune homme rangea ensuite son pinceau et sa palette nettoyés dans un petit sac de toile. Alors, il prit des sortes de cordes assemblées ensemble de sorte à ce que cela fasse une sorte de harnais. Il entoura son tableau couvert de ces cordes, ainsi que le chevalet qu'il avait replié, puis, l'artiste les passa sous ses aisselles, et voilà, il était prêt à transporter son ouvrage! Rabattant encore une fois certaines de ses mèches grises derrière ses oreille, et priant qu'elles ne le gêneraient plus malgré la brise océanique, Gabriel prit son petit sac où se trouvaient ses instruments. Et forcément, ses mèches retombèrent en avant. Grommelant, il les remit une énième fois à leur place tout en se redressant. Heureusement, le tableau n'était pas bien lourd! Commençant à avancer dans le sentier descendant vers la mer, il se retourna vers Aurore et lui demanda, avec un sourire espiègle:
- Eh bien, venez-vous?
Dernière édition par Gabriel d'Estampe le Jeu 1 Sep - 10:05, édité 1 fois |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Dim 28 Aoû - 19:49 | |
| Il y avait quelque chose de tout à fait troublant à sentir son visage se déformer d'instant en instant sous le coup d'émotions désordonnées, d'autant plus qu'Aurore n'était pas, pour ainsi dire, le genre de personne à laisser ses pensées s'épancher. Inconsciemment, la jeune femme avait baissé sa garde, ce masque que la malédiction qui pesait sur elle l'avait contrainte à revêtir, et le flot d'humanité longuement contenue derrière ce faciès d'albâtre jaillissait à présent de la source qu'elle avait crue tarie : son cœur. Comprenant toutefois qu'il n'y avait rien à faire contre cette libération inopinée, elle laissa défiler sur son visage les diverses expressions que lui donnaient ces sentiments. Cela semblait d'ailleurs fortement amuser son interlocuteur. Les rôles étaient inversés : elle, d'un côté, se trouvait incapable de saisir quoi que ce soit dans les yeux du jeune homme, tandis que lui-même n'avait qu'à lire sur sa figure pour tout connaître de son ressenti. D'abord vaguement embarrassée puis surtout inquiète à l'idée de ne plus pouvoir, après cette rencontre, se fondre dans la masse de Paris si quelqu'un de la région la connaissait, elle se rassura en considérant que, quoi qu'il se passe sur son visage, le secret de sa véritable nature n'y paraîtrait certainement pas. Elle ne tenta donc pas de stopper l'afflux de ses expressions, ce qui aurait d'ailleurs pu sembler bien plus louche, et laissa Gabriel se divertir à loisir de son étrange comportement. Peu à peu, elle parvint à se convaincre qu'elle ne commettait rien de foncièrement risqué, que cet homme ne pouvait découvrir à quels sombres travaux elle s'adonnait pour gagner son pain et que, bien que quelques doutes aient pu germer sous son crâne depuis les propos ambigus en lesquels elle s'était présentée, l'aura de mystère qui devait globalement l'entourer faisait assez bien office de charme et de muraille. Pour le moment donc, elle se sentait – presque – parfaitement à l'abri. Suivant le fil de telles pensées, Aurore se hasarda même à imaginer la possible naissance d'une amitié, ce qui impliquait de devoir croiser à nouveau Gabriel. Après tout, ne lui avait-elle pas, suivant le bon vouloir d'un instinct déconnecté de ses neurones, laissé entendre que des doutes planaient sur son identité ? Peut être cela signifiait-il qu'au fond d'elle, une conscience longtemps endormie s'était éveillée pour lui crier que le jour d'avoir à nouveau confiance en quelqu'un s'était levé. Quoi qu'il en soit, il lui semblait peu délicat de faire part de cette idée au peintre. Les mots ne lui venaient pas, et cela risquait de mettre à découvert une partie sensible de son cœur qu'elle s'acharnait habituellement à refouler. Aurore préféra donc se taire et laisser agir le Hasard, puisqu'il s'était lui-même chargé de porter cette curieuse journée sur ses épaules.
Tandis que Gabriel rassemblait son matériel, la jeune femme s'approcha du bord de la falaise pour profiter encore un peu de la vue. La mer venait toujours se briser tendrement dans les bras de sa maîtresse, se ramassait sur elle même comme un chat près à attaquer, et revenait à la charge, tantôt douce, tantôt agressive, et jamais la roche ne reculait, jamais elle ne se laissait défaillir sous l'assaut des vagues. Un vent tiède soufflait à présent, aussi Aurore défit-elle le ruban qui retenait ses longs cheveux. Ils brillèrent une seconde en s'envolant dans son dos, puis se rabattirent docilement contre elle lorsqu'elle jeta sa cape sur son épaule. Ainsi, elle équilibrait, avec ses vêtements masculins et la semi-sauvage tenue de sa chevelure, la balance de son aspect androgyne. Ayant assez jouit du spectacle du fracas des vagues sur les rochers, Aurore revint sur ses bas pour constater que Gabriel venait de fixer le tableau sur son dos à l'aide d'un savant système qu'elle ne connaissait pas. Intriguée, elle l'observa un instant, oubliant la proposition qu'elle avait faite un peu plus tôt, pour essayer de comprendre l'agencement de l'objet inconnu. La voix du jeune peintre lui fit alors reprendre ses esprits : - Eh bien, venez-vous? Aurore sursauta et s'apprêta à se répandre en excuse sur la facilité qu'elle avait à perdre le fil des situations, quand elle constata qu'une sourire malin étirait les lèvres du jeune homme. Cette expression lui donnait un air d'adolescent qui ne fut pas sans lui rappeler ses aventures de jeunesses et le nombre considérable d'espiègleries que sa bande d'amis et elle-même avaient menées. Répondant à son invitation par un grand sourire, elle le rejoint en quelques enjambées sautillantes et ils entamèrent tous les deux la descente de la falaise. Tandis qu'ils avançaient, la jeune femme s'émerveillait de redécouvrir ce pas léger et enfantin qu'elle avait jadis, lorsque ses escapades lui faisaient traverser le port et le marché à la recherche de quelque innocent délit à commettre. Il y avait dans ce pas une joie saine et sereine qu'elle pouvait aussi goûter dans l'air, avec la saveur grandissante des embruns que leur lançait la mer. Vraiment, cette surprenante ballade avait tout pour plaire et changer les idées.
Ils parvinrent doucement jusqu'à la plage, où Aurore retira ses bottes pour savourer le contact de ses orteils avec le sable. Ses pieds s'y enfoncèrent avec délectation tandis qu'elle-même poussait un profond soupir de contentement. Rien ne valait une bonne promenade en bord de mer, avec, de plus, la merveilleuse perspective de s'emplir les poumons d'un air nouveau. Se rappelant soudain de la présence de Gabriel, Aurore se tourna vers lui et, avec un sourire enjoué, lui demanda : - Au fait, si cela n'est pas indiscret, y a-t-il longtemps que vous vivez dans la région ? En attendant sa réponse, Aurore forgea celle qu'elle-même fournirait si jamais il lui retournait la question. La construction d'un mensonge lui était une pratique plus que familière, aussi l'alibi de sa présence dans la région se bâti de lui-même et se glissa dans un coin de ses pensées, toujours prêt à lui servir. Puis elle leva les yeux vers le jeune homme et patienta jusqu'à ce que celui-ci lui révèle ses propres raisons. |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Lun 29 Aoû - 12:10 | |
| Gabriel avait appelé la jeune femme, qui semblait avoir été distraite quelques instants à cause du spectacle donné par les flots. Mais, le jeune homme ne la blâmerait pas. Comment le pourrait-il? Il était tout à fait normal d'être charmé par les merveilles se déroulant ici, encore plus si c'était la première fois qu'on découvrait les vagues véritablement, ce qui était le cas du jeune homme ici présent. Et, de plus, le marquis était souvent tête en l'air, se laissant lui-même souvent distraire, par bien peu de choses en général. Alors, il ne risquait pas de s'offusquer du comportement de la belle Aurore, bien loin de là, et l'air malicieux tracé sur son visage le montrait bien. Voyant un large sourire se dessiner sur les lèvres de la jolie demoiselle, Gabriel se dit que, décidément, il ne regrettait pas d'être venu sur cette falaise, ce matin là. En plus d'être dans son élément préféré, la nature, lui donnant une impression de liberté le faisant s'échapper de tous les protocoles possibles et imaginables de l'aristocratie, il avait rencontré ce petit bout de femme, qui lui était très sympathique!
La jeune femme, qui devait avoir à peu près l'âge de l'humain aux yeux d'un vert à la fois pétillant et intense, vint vers lui en sautillant légèrement, étant à la limite entre la marche et la course. Ravi de la voir d'humeur aussi légère, Gabriel descendit avec sa nouvelle connaissance la pente menant à la plage de sable fin. Une fois qu'ils y furent, lui ne retira pas ses chaussures, trop encombré par ce qu'il portait, cependant, il se promit d'aller se baigner les pieds, si ce n'est de se baigner tout entier, un peu plus tard. Voyant Aurore se déchausser et apparemment, profiter de l'instant et plus particulièrement, de ressentir la sensation de sentir la plante de ses pieds s'enfoncer dans le sable, le marquis de Fiennes rit, entendant le soupir de contentement de la jouvencelle. Peu après, la demoiselle lui demanda si cela faisait longtemps qu'il habitait par ici. Enthousiaste, l'aristocrate répondit:
- Eh bien non, je n'habite pas ici depuis bien longtemps; pour tout vous dire, je suis en voyage à Paris, c'est la première fois que j'y viens. Un séjour d'agrément, disons. Je compte bien découvrir notre capitale et en savourer les plaisirs que je pourrai y trouver.
Et surtout, de profiter de la présence d'un frère qu'il n'avait pas vu depuis un an maintenant, si ce n'était pas un petit peu plus même. Mais ceci, il ne le dit pas à Aurore, après tout, ils se connaissaient à peine, alors autant engager une conversation donnant quelques détails, sans aller trop profondément dans les descriptions. A la pensée de revoir son cher frère, les yeux de Gabriel furent traversés d'une petite lueur annonçant la hâte, celle de se retrouver le plus vite en compagnie de son aîné, l'espoir que, malgré leur année de séparation, ils s'entendraient toujours aussi bien, l'amusement que provoquait l'idée de tout ce qu'ils pourraient faire ensemble dans la plus belle ville de France, et tant d'autres sentiments encore. Il fallait bien dire que Samuel était l'un des membres les plus importants dans la vie de l'artiste, si ce n'était pas LE plus important en fait. Malgré leurs différences, qui étaient nombreuses, que ce soit physiquement, intellectuellement ou même de l'ordre de leurs préférences, les deux frères s'étaient toujours bien entendus, bien que ne le montrant que peu, et préférant de simples sorties ou dialogues à de grandes étreintes amicales. Enfin bref, ceci, c'était du registre privé de la vie de Gabriel. Le jeune peintre reporta son attention sur la demoiselle, s'apprêtant à lui retourner la question... Avant de se raviser. Il préférait ne rien entendre plutôt que d'ouïr un mensonge. Aussi, avec un sourire légèrement taquin, il finit par déclarer:
- Quant à vous, je ne vous demanderais pas si vous habitez ici depuis longtemps. Après tout, vous semblez avoir vos petits secrets, et je respecterai cela.
Il lui fit un léger clin d'œil, pour qu'elle comprenne bien qu'il n'y avait nulle suspicion et nulle rancœur dans ses paroles, comme dans son cœur. Vraiment, il s'en fichait qu'elle ne veuille pas se confier à lui, ou même donner des informations qui paraissaient tout à fait banales, anodines pour la plupart des gens. Tant qu'elle acceptait sa compagnie en cette belle journée et qu'elle continuait à s'amuser comme elle le faisait présentement, rien de ce qu'elle ne pouvait être d'habitude pourrait causer du tracas à Gabriel. Ils continuèrent à marcher, pas bien loin de l'eau, discutant de tout et de rien, comme lorsque le jeune noble peignait son ouvrage; cependant, l'excitation d'aller faire trempette commençait à prendre de l'ampleur dans l'esprit de Gabriel, qui avait de plus en plus de mal à se retenir. Et le temps passait, à une vitesse folle, sans qu'aucun des deux -ou du moins, le jeune homme- ne le remarque, tant ils parlaient et se plaisaient ici. Alors, remarquant finalement que le soleil était bien haut dans le ciel, l'on devait s'approcher des coups de midi, l'artiste posa tout son attirail à terre, retira ses chaussures et ses chaussettes, pour finalement aller tremper ses pieds dans l'eau, tout content de cette nouvelle sensation, de sentir le sable, les flots de la mer, mais même les petits coquillages désagréables car ils piquaient la peau et les algues molles lui faisaient plaisir. Et puis, cet air frais et salé, cette brise typiquement océanique, était si agréable à ressentir sur la peau! D'ailleurs, le jeune homme fut étonné en remarquant que, sur ses épaules, sur la partie de peau découverte, se trouvaient des embruns de l'océan, des traces de sels, on aurait dit tout simplement de la petite peau morte, comme si on pelait après avoir prit un coup de soleil! Décidément, cet endroit était plein de surprises, ce qui n'était pas du tout pour déplaire à Gabriel. Il se retourna vers Aurore avec un grand sourire sur les lèvres, et demanda:
- Si nous allions nous baigner? Il fait beau, autant en profiter!
Certes, cette demande pouvait être perçue comme indécente, surtout de la part d'un jeune homme de cet âge envers une damoiselle, cependant, le ton enfantin et l'exclamation si innocente de la part de Gabriel démontraient bien qu'il voulait juste aller s'amuser dans l'eau, sans aucune arrière-pensée! Et puis, ce n'était pas comme s'il avait dit à la jeune femme de totalement se déshabiller. Réalisant un peu trop tard la teneur que pouvaient prendre ses paroles si elles étaient interprétées d'une certaine manière, le jeune aristocrate espéra qu'Aurore les traduirait dans le bon sens, celui du jeu, et d'une certaine candeur dénuée de toute perversion imaginable. Ahlala, quel gaffeur quand il s'y mettait celui-là! Intérieurement, Gabriel se fit la réflexion que décidément, il devrait apprendre à réfléchir avant de parler, "tourner sept fois sa langue dans sa bouche" comme l'on disait parfois. Il regarda alors la jeune femme avec un léger soupçon d'inquiétude se teintant dans ses émeraudes.
Dernière édition par Gabriel d'Estampe le Jeu 1 Sep - 10:06, édité 1 fois |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Lun 29 Aoû - 19:29 | |
| - Eh bien non, je n'habite pas ici depuis bien longtemps; pour tout vous dire, je suis en voyage à Paris, c'est la première fois que j'y viens. Un séjour d'agrément, disons. Je compte bien découvrir notre capitale et en savourer les plaisirs que je pourrai y trouver.
Aurore hocha doucement la tête, comprenant qu'il devait y avoir derrière ces quelques mots bien plus qu'eux-même n'en dévoilaient, mais que cette réponse devait amplement suffire à combler sa curiosité. Nul besoin d'en savoir plus après tout, et si l'envie d'en demander davantage l'avait saisie, cela aurait pu signifier que, malgré elle, la personne de Gabriel commençait à prendre un peu trop d'importance dans son esprit. La jeune femme se contenta donc de sourire et accepta cette réponse évasive.
Le peintre se replongea dans ses pensées pendant un instant, aussi Aurore en profita-t-elle pour se pencher et cueillir une algue qui s'était accrochée à son orteil. Ses doigts palpèrent la surface lisse et légèrement gluante de la plante, texture qui leur semblait vaguement connue. Tandis qu'elle continuait à avancer, la jeune femme serra l'étrange fleur verte dans sa main, exerçant sur elle une pression successivement plus forte et plus douce, s'étonnant de ce contact familier et fouillant dans ses souvenirs à la recherche de quelque similitude avec un objet connu. Elle se tourna vers Gabriel lorsque celui-ci lui lança :
- Quant à vous, je ne vous demanderais pas si vous habitez ici depuis longtemps. Après tout, vous semblez avoir vos petits secrets, et je respecterai cela.
Aurore se mit à rire doucement, vaguement touchée par le ton et l'air taquin qu'avait pris le jeune homme. N'importe qui d'autre lui aurait faussé compagnie dès qu'elle s'était sombrement présentée, mais ce rêveur tombé d'elle ne savait où semblait ne faire aucun cas du mystère qu'elle laissait planer sur elle-même. Il lui avait longtemps paru que si, un jour, quelqu'un lui offrait l'opportunité d'être elle-même et de dévoiler tout ce qu'elle était, elle se serait sentie enfin libérée, et pourtant, en compagnie de Gabriel, à qui elle cachait tout de ses principales occupations, elle avait l'impression de passer la journée la plus simple et la plus agréable de sa vie. Aujourd'hui, elle n'avait pas à se préoccuper de l'état de son masque, et pouvait redevenir l'espace d'un instant l'enfant qu'elle avait été jadis. Pour cela, sa gratitude envers le jeune homme s'étendait bien au-delà du don de sa toile. Taisant ces réflexions - pourtant douces - qu'elle imaginait mal traduire en paroles, elle jeta à nouveau son regard sur l'algue que ses doigts ne se lassaient de triturer. Alors les souvenirs lui revinrent brusquement à la mémoire : de vert aqueux, la couleur se mua en un rouge viscéral, tandis que les algues s'enroulaient autour de ses doigts, voilant leur blancheur d'un drap sanguinolent. Des entrailles. Les algues lui rappelaient des entrailles. Avec une moue dégoûtée, Aurore desserra immédiatement son étreinte sur la plante qui s'en alla choir dans le sable. A l'évidence, son métier la hantait jusque dans les bas-fonds de son esprit. Et bien qu'elle se soit toujours considérée comme une femme forte, elle ressentait enfin à quel point les images de ses actes commis pouvaient être effroyables. Cette vision soudaine la confirma dans son idée de ne rien dire de plus à Gabriel. Qu'il accepte ainsi la conservation de ses secrets l'arrangeait fortement : elle pouvait sans mal continuer de le côtoyer sans craindre les piques d'une curiosité avide de sa part. Une telle situation ne pouvait pourtant certainement pas s'étendre indéfiniment dans le temps. Si Aurore décidait de témoigner au jeune peintre son désir de donner une suite à cette rencontre, il lui fallait s'engager sur le chemin d'une périlleuse question : Continuer à mentir, jusqu'au bout, ou le laisser voir ce qui se tramait derrière son masque ?. Une telle confrontation avec la réalité lui déplaisait au plus haut point, aussi fit-elle ce qu'elle avait l'habitude de faire en de telles circonstances : remettre à plus tard ce qui ne pouvait être décidé dans l'instant.
En relevant la tête, la jeune femme constata que Gabriel venait de bifurquer vers la mer. Aux pieds d'Aurore gisait le tableau et les chaussures de son nouvel «ami», visiblement abandonnés là sans qu'elle en prenne conscience. Le peintre, les pieds dans l'eau, contemplait le ciel, l'air totalement en phase avec lui même, libre de tout, près à se laisser avaler par les vagues. Laissant tomber sa cape et ses bottes à son tour, Aurore le rejoignit en quelques bonds agiles et glissa ses orteils dans le sable humide, étirant ses jambes un peu endolories par la marche. Le soleil de midi s'élevait, brûlant, dans le ciel, et la fraîcheur de la mer sur ses chevilles lui paraissait merveilleuse. Elle fermait les yeux lorsque Gabriel s'exclama :
- Si nous allions nous baigner? Il fait beau, autant en profiter!
Alors qu'elle se retournait vivement vers lui pour lui signifier qu'elle trouvait l'idée fantastique, Aurore constata que les yeux du peintre, qu'elle discernait à peine sous ses mèches argentées, s'étaient teintés d'une inquiétude qu'elle tarda à comprendre. Enfin, progressivement, une once d'indécence sembla s'élever de la proposition, et la jeune femme éclata de rire. Tout ce qui paraissait inconvenant à une noble et chaste Lady était pour elle une source inépuisable d'amusement aussi, frappant amicalement l'épaule de Gabriel, Aurore s'esclaffa :
- Voyons, soyez sans crainte, je me suis maintes fois jetée à l'eau sous les yeux des garçons, et cela ne me semble en rien être une pratique obscène !
|
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Mar 30 Aoû - 22:04 | |
| Ouuuh, Aurore venait de se retrouver bien vivement face à Gabriel, qui n'eut alors qu'encore plus peur qu'elle ait trouvé sa proposition franchement indécente... C'est vrai qu'elle n'avait pas l'air d'être d'une de ces femmes de Cour, ces aristocrates qui avaient peur de se casser un ongle ou qui au grand jamais, n'aurait osé relever légèrement son jupon pour se rechausser correctement si sa chaussure la faisait souffrir! Mais bon, on ne sait jamais, il s'agissait d'une femme après tout, et une bonne partie étaient pudique, et beaucoup avaient des réactions assez imprévisibles aux yeux de leurs homologues masculins, il ne faut pas le nier. Cependant, la demoiselle semblait avoir perçu la lueur d'inquiétude dans les yeux du garçon aux yeux semblables à des pierres précieuses, et arrêta brusquement tout mouvement. Le calme avant la tempête, ou c'était plutôt qu'elle-même, comme Gabriel au premier instant, ne voyait pas la connotation que pouvait avoir cette phrase?
Et, finalement, au bout de quelques instants, celle qui portait si bien son prénom d'Aurore éclata d'un rire franc, étant plus qu'hilare. Bon, cela semblait être une réaction assez positive, tenta de se rassurer le jeune homme. Il n'y avait plus qu'à attendre ce que la jolie et mystérieuse jeune femme allait lui répondre. Et cela n'allait pas tarder, car la demoiselle se rapprocha du marquis de Fiennes. Alors, remontrances légères, au vu de son hilarité, ou total accord avec ce que lui avait proposé Gabriel? Ce-dernier commença par un grand instant de surprise, car l'amatrice d'Art venait de lui donner une tape sur l'épaule du jeune homme. Celui-ci ne savait même pas comment interpréter ce geste, pour la simple et bonne raison que personne jusqu'à maintenant ne s'était permis un tel geste envers lui! Dans la campagne à ses parents ou dans la sienne, soit il était entouré par sa famille, très distante physiquement, ce qui était d'époque, soit il fréquentait quelques autres nobles personnes qui étaient toutes aussi réservées, ou encore des servantes, des paysans, qui eux n'auraient jamais osé toucher de cette manière le Seigneur de leurs terres! Alors... Oui, vraiment, au premier abord, Gabriel ne sut pas du tout comment réagir à cette sorte de mini-accolade. Mais, voyant l'air rieur et plus qu'enthousiaste d'Aurore, il comprit que c'était une marque de sympathie, faite pour le rassurer et peut-être se moquer un peu de lui, gentiment. Finalement, riant encore à moitié, la jolie demoiselle donna sa réponse au jeune peintre:
- Voyons, soyez sans crainte, je me suis maintes fois jetée à l'eau sous les yeux des garçons, et cela ne me semble en rien être une pratique obscène !
Gabriel poussa alors un grooos soupir de soulagement, elle ne l'avait pas prit mal, et au contraire, elle était tout à fait prête pour aller faire un saut dans l'eau! Rien n'aurait pu plus ravir le marquis que cet entrain que manifestait la mystérieuse demoiselle à cet instant, et, ce fut avec sincérité qu'il lui accorda un grand sourire. Bien, alors maintenant que le petit problème, qui n'en était somme toute pas un, était réglé, ils n'avaient plus qu'à partir se baigner! Vérifiant une dernière fois que son attirail de peinture et que la toile se trouvaient assez loin de l'eau, le damoiseau se retourna vers l'océan pour le contempler une dernière fois en étant debout. Puis, il déboutonna sa chemise, prenant son temps, et alla la poser avec tout son matériel d'artiste, y ramenant aussi ses bottes par la même occasion. Il retira son pantalon, restant en «culotte» ce qui était en fait une sorte de short bouffant se resserrant juste au-dessus des genoux. Ainsi, torse-nu, le jeune homme fit un clin d'oeil à la jeune fille qui l'accompagnait. Puis, il se tourna à nouveau face à la mer, et se mit à décompter:
- Un... Deux... Trois!
Et, une fois les trois temps écoulés, le bel aristocrate courut à toute vitesse, ses pieds passant du sable légèrement chaud au sable mouillé, puis à la première vaguelette qui n'atteignit même pas les chevilles, et ensuite le niveau monta, encore et encore, au fur et à mesure de la course du jeune noble qui faisait de plus en plus d'éclaboussures autour de lui, levant les genoux aussi haut que possible. C'est d'ailleurs une fois que les vagues eurent surpassé ses rotules que l'artiste se décida, et d'un seul coup, rentra la tête la première dans l'eau, se trempant totalement. Restant quelques secondes sous le dioptre, il finit par remonter à la surface, et une fois là-haut, il cria de joie, d'excitation. Que voulez-vous, il ressemblait à un gosse qui découvrait la mer pour la première fois... En même temps, c'était réellement sa première fois. C'était décidé, il faudrait vraiment qu'il ramène Samuel ici, qu'il découvre cela lui aussi! Et, tant pis si au début il faudrait l'y traîner, pour casser son côté un peu rat de bibliothèque et scientifique fou! Ca valait vraiment la peine! Le jeune homme se retourna pour trouver Aurore, et il la vit, pas si loin de lui que cela en fait. Un grand sourire d'allégresse trônait en maître sur les lèvres du marquis, qui décidément, trouvait qu'il s'agissait là d'une bien belle journée! Par contre, il éviterait de partir trop loin, ne sachant pas tout à fait nager... Il avait des rudiments, mais ce n'est pas comme si c'était une activité qu'il pratiquait tous les jours, loin de là même! Alors, autant se méfier de cette nature pourtant si superbe. Tout content, le jeune homme se rapprocha d'Aurore, s'exclamant:
- Que l'eau est bonne! Je croyais que, vu son immensité, l'Océan serait bien plus froid que cela, mais il semblerait qu'au final, le Soleil réchauffe même les mers!
Dernière édition par Gabriel d'Estampe le Jeu 1 Sep - 10:06, édité 1 fois |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Mer 31 Aoû - 20:29 | |
| Cette baignade improvisée semblait faire beaucoup d'effet au jeune peintre, ce qui ravit Aurore. La mer lui avait toujours semblé proche, même au-delà des milles qui la séparaient de celle qui l'avait vue grandir, et réaliser que d'autres prenaient le même plaisir à se laisser happer par les vagues lui donnait une impression semblable à celle que doivent ressentir les hôtes lorsqu'ils constatent que leurs invités se trouvent tout à fait à leur aise sous leur toit. Une certaine fierté, mêlée de la joie de partager de telles émotions, envahissait donc la jeune femme.
Ainsi qu'un enfant, joueur mais encore un peu craintif, Gabriel paraissait ne pas souhaiter s'aventurer plus en avant au travers de l'eau, ce qui éveilla en Aurore la profond et secret instinct de protection que toute femme porte au fond d'elle. Jetant de brefs coups d'œil à son ami, l'inconvenante demoiselle surveillait de biais sa progression au travers des vagues, s'assurant qu'elles ne l'emportaient pas trop loin de la plage. Bien sûr, elle se doutait que lui-même se méfiait suffisamment, mais lutter contre l'instinct lui était une chose si insupportable qu'elle en paraissait même impossible. Avant qu'il ne se jette à l'eau, Aurore avait pu admirer, l'espace d'un moment, la partie dénudée du corps du jeune homme. Bien que l'anatomie humaine ne retienne pas particulièrement son intérêt, il lui avait semblé qu'aux yeux de n'importe quel autre individu de sexe féminin, les détails de cette physionomie bien dessinée auraient eu quelque intérêt. Bien sûr, pour elle qui ne cherchait en Gabriel aucune forme de relation autre qu'une vague et spectrale amitié, cet aspect n'avait pas la moindre sorte d'importance. Heureuse comme une très vieille femme qui revient au bercail après des années d'errance, Aurore savourait au travers des vagues chargées de sel les tourbillons écumeux des réminiscences ravivées. Mers et océans devaient transporter dans les murmures de leurs vents et courants les souvenirs des milliers d'hommes et de femmes qui leur avaient chuchoté leurs secrets, comme on confesserait nos vies entières à des géants de mémoire afin de donner l'immortalité à des souvenirs... La tête sous l'onde, la vieille enfant écoutait son propre passé crépiter contre son oreille, lui raconter la merveilleuse insouciance qu'elle avait jadis confiée aux vagues et, le cœur chargé de cette mémoire plus vive que jamais, sans oser briser le charme en regagnant la surface, elle demeurait là, aussi longtemps que le lui permettaient ses poumons, laissant filer par les failles de son âme la riche innocence des temps passés. Sa tête émergeait une énième fois hors de l'eau après un nouveau recueillement lorsque Gabriel la rejoignit. Ravi, il s'exclamait : - Que l'eau est bonne! Je croyais que, vu son immensité, l'Océan serait bien plus froid que cela, mais il semblerait qu'au final, le Soleil réchauffe même les mers! - Vous devez avoir raison, mon petit. Les eaux marines sont toujours riches en surprise ! Réalisant que le surnom qu'elle venait d'attribuer au peintre pouvait porter à confusion, étant donné l'égale jeunesse de ses propres traits, Aurore jugea bon de partir d'un grand éclat de rire. La joie après tout, pouvait bien se permettre de justifier à peu près toute chose. Et il lui semblait peu probable que Gabriel s'en offusque véritablement. «Mon petit»... S'il avait été clairement dit que pas moins de quarante-six ans séparaient leurs deux âge, cette appellation serait sans mal passée inaperçue. Toutefois, la perspective de faire une telle révélation au jeune homme était tout simplement inconcevable. Qu'il lui soit tout à fait sympathique ne signifiait en rien qu'il accepte et accorde sa créance en chacune de ses déclarations. Et puis quoi qu'il en soit, il était hors de question de s'étendre sur le sujet : allez donc trouver le moyen d'expliquer délicatement à quelqu'un pourquoi l'on possède un visage de jeune vierge alors que l'on traîne derrière soit soixante-huit années de noire frivolité !
Battant des bras sous la surface afin de se maintenir à la hauteur de Gabriel, elle lui adressa un de ses plus brillants et candides sourires avant de lui lancer : - Parlez-vous à la Nature, Gabriel ? Je veux dire, vous arrive-t-il de partir loin de tout pour entrer en... une sorte de communion avec elle ? Méditez-vous ? Je ne veux en aucun cas vous effrayer par de la prétendue sorcellerie, rassurez-vous, ce n'en est rien. Mais je ne connais pas grand chose de plus plaisant que de parler à la mer. En quelques brasses, Aurore regagna la plage. Elle retira son pantalon sous lequel existait une version plus féminine mais non moins bouffante de la «culotte» du peintre, et posa l'habit à même le sable pour l'y laisser sécher. Ramenant sus ses épaules la vaste chaleur de sa cape pour se protéger du soleil, la jeune femme entoura ensuite ses bras autour de ses genoux et se fixa sur le remous de l'eau. Sereine et reposée, elle laissa bientôt ses paupière se fermer et dirigea toutes ses pensées sur la mer. [HJ : Il m'a encore fallu du temps pour répondre, désolée T^T] |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Jeu 1 Sep - 9:48 | |
| - Vous devez avoir raison, mon petit. Les eaux marines sont toujours riches en surprise !
Le jeune homme regarda la demoiselle avec surprise, bien qu'elle aie dit ça sur un ton joyeux et amusé, comme un petit surnom. Mais, quand même, l'appeler «mon petit» alors qu'elle ne devait pas être plus âgée que lui et qu'elle n'était certainement pas plus grande que lui! Non pas que Gabriel s'offusque de cette appellation, mais, cela le fit bien rire à son tour, partant dans un grand moment d'hilarité, en communion avec la jeune femme. N'empêche, elle aurait pu trouver autre chose, là, on aurait vraiment cru entendre une grand-mère voire pis, une aïeul, parlant à son descendant ou à un enfant pris en affection! Vraiment, Aurore avait ses petits côtés mystérieux, mais aussi ceux plutôt drôles. Une fois son fou rire passé, Gabriel se redressa et décida de jouer la comédie; il rétracta ses mains et ses doigts, formant ainsi des points bien serrés, et les mit contre ses hanches, caricaturant un adulte faisant la morale. Les sourcils froncés, mais les yeux pétillants et le petit sourire amusé aux lèvres le trahissant, il dit, d'une voix faussement outrée et moralisatrice:
- Mon petit! Mon petit! Mademoiselle, voilà qui n'est pas convenable!
Puis, après un instant de silence entre les deux jeunes gens, Gabriel repartit dans rire, étant très hilare, il lui fallut bien quelques minutes pour se calmer totalement, devant même à la fin essuyer une larme ayant parlé à son œil droit tellement il avait rit. Ne pouvant pas imaginer qu'Aurore, derrière ses traits de jouvencelle d'une vingtaine d'années, était en réalité une femme qu'on aurait pu qualifier de vieille, d'âgée ou d'Ancienne, vu la soixantaine d'années qu'elle traînait derrière elle, était franchement amusé par la situation qui venait d'arriver. Il mit la tête sous l'eau un moment pour observer sous l'eau, c'était un peu dérangeant d'avoir de l'eau dans les yeux, mais c'était si beau! L'eau quasi-transparente était encore plus belle vue de l'intérieur, car l'on pouvait observer le corail, et admirer les magnifiques poissons, plus ou moins gros, venant parfois vous frôler les orteils, vous chatouillant alors. Oui, la mer était vraiment un endroit magnifique... Le jeune homme fit quelques mouvements pour avancer sous l'eau, mais ne s'éloignant jamais trop de l'endroit où il était précédemment, craignant de ne plus avoir pieds à un moment ou à un autre. Au moins, il était un minimum prudent, contrairement à son enfance où il fonçait dans le tas sans se soucier de rien. Peut-être était-ce là une des différences nées du fait qu'il avait grandit, même s'il était encore assez naïf et imprudent pour un homme de son âge. Après tout, combien de personnes seraient restées aux côtés d'Aurore, alors qu'elle insinuait elle-même qu'elle avait un genre de seconde vie, et que l'on pouvait en déduire que, quand on a deux existences bien distinctes, ce n'était jamais un très bon signe? Bien peu de personnes pour tout dire, et pourtant, Gabriel faisait partie de celles-ci. Finalement, lorsqu'il remonta à la surface, la jolie demoiselle ayant passé toute sa matinée avec lui, posa une question assez déroutante, étonnante pour certains, mais qui plaisait tout à fait au jeune homme:
- Parlez-vous à la Nature, Gabriel ? Je veux dire, vous arrive-t-il de partir loin de tout pour entrer en... une sorte de communion avec elle ? Méditez-vous ? Je ne veux en aucun cas vous effrayer par de la prétendue sorcellerie, rassurez-vous, ce n'en est rien. Mais je ne connais pas grand chose de plus plaisant que de parler à la mer.
Après avoir dit cela, Aurore repartit vers la rive, alors le jeune marquis la suivit, autant s'installer confortablement pour parler de thèmes si philosophiques me direz-vous. En tout cas, les anecdotes de la demoiselle le faisait bien rire dans sa barbe tout à fait inexistante. Par exemple, le fait qu'elle ait fait allusion à la sorcellerie. Si elle savait... Sans parler forcément de quelque chose d'aussi mauvais que cela, Gabriel connaissait très bien quelqu'un qui aimait beaucoup s'appliquer dans certaines expériences, qui aimait faire des découvertes que les dévots auraient probablement qualifié de sorcellerie, en effet. Et cette personne n'était nulle autre que son aîné, Samuel. Se plongeant dans ce qu'on appelait l'alchimie, il passait des heures et des heures à lire des bouquins, ou à essayer de trouver les vertus de telle ou telle plante, ou de faire des expériences un peu farfelues parfois. Ainsi, l'aristocrate d'une vingtaine d'années finit par rejoindre Aurore sur la plage de sable fin, et, il s'allongea en plein soleil pour être certain que la culotte qu'il portait sur lui en ce moment même sèche bien. D'ailleurs, il avait un instant rougit en voyant la demoiselle à peu près dans la même tenue que lui, à la différence près qu'elle avait gardé un haut, il n'était guère habitué à cela. Cependant, il s'était assez vite reprit, fermant lui aussi les yeux une fois allongé, et, après avoir laissé passer un instant de calme et de délectation, il répondit finalement à la jolie demoiselle:
- Ne vous en faites point, vous ne m'effrayez en rien. Et oui, en effet, moi aussi parfois je médite, je parle à la Nature... Même si ma famille me prend souvent pour un excentrique à cause de cela. Mais, c'est la première fois que je vois la mer, aussi je préfère la forêt pour méditer, un coin clair dans les bois, une source d'eau... C'est tellement reposant et tranquilisant.
Ils passèrent encore de longues minutes, à discuter de tout et de rien, plus particulièrement de la beauté de la Nature, s'étant trouvé cet intérêt commun. Puis, lorsque le soleil fut à son apogée, au point le plus haut du ciel où on pouvait l'apercevoir d'oeil d'homme, Gabriel se releva. Il avait faim, et désormais il se sentait un peu sale, du sable et du sel emmêlant ses cheveux déjà rebelles d'avance, ça allait être comique pour les démêler s'il n'allait pas se laver! Et puis, toute bonne chose à sa fin. Aussi, étant désormais sec, il frotta son dos et ses jambes, retirant le sable qui avait pu s'y coller, et il se rhabilla. Allant défaire le tableau de la sorte de harnais qu'il s'était confectionné pour amener son matériel avec lui assez facilement où qu'il aille, il confia son ouvrage à la jeune femme, puis il mit sur son dos le chevalet, et prit dans ses mains le sac de toile contenant pinceaux et palette. Finalement, il regarda Aurore à nouveau dans les yeux, et passa une main dans ses cheveux, un peu gêné. Avec un grand sourire un peu enfantin, il dit:
- Eh bien... Si jamais vous voudriez me revoir... Sachez que j'habite au boulevard Malesherbes. Vous devriez trouver ma demeure sans mal, elle est assez imposante.
[J'ai changé de couleur d'écriture, vu que le design du forum a changé ] |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] Jeu 1 Sep - 11:13 | |
| - Mon petit! Mon petit! Mademoiselle, voilà qui n'est pas convenable! Que Gabriel réponde aussi parfaitement à sa tentative de rattraper sa maladresse contenta fortement la jeune femme. Là encore, en compagnie de n'importe quel autre gentleman, une telle erreur lui aurait valu de se retrouver dans une situation fort embarrassante et difficilement explicable. Avec le peintre, elle n'avait pas de souci à se faire quant à son comportement. Bien que son épée rappelle constamment son statut social, l'artiste se fichait vraisemblablement des «bonnes» manières, ce qui permettait de conserver un climat tout à fait plaisant, poli, amical et chaleureux à la fois, entre eux.
Suite à ce petit coup de théâtre, Gabriel s'adonna à une crise d'hilarité incontrôlable à laquelle Aurore ne put résister. Riant à son tour, il lui fallut également un certain temps pour se remettre de ses émotions. Il y avait longtemps qu'une telle joie ne s'était manifestée en elle.
Tandis qu'elle regagnait la rive, la jeune demoiselle aux mille noms tâcha de trouver dans sa mémoire l'exemple d'un moment aussi agréable que celui qu'elle passait en la compagnie du peintre. A l'évidence, aucun événement semblable ne s'était produit dans son existence depuis son déchirant et premier départ de Concarneau. Les jeux d'enfants, les après-midi passées à lancer des moqueries en cachette dans le dos des grandes gens, l'innocence et la modestie d'éternels gamins qui n'ont que faire des choses compliquées de la vie, et qui profitent tant qu'ils le peuvent encore de leur liberté sans entrave et des frasques de leur imagination... Tout devait aujourd'hui appartenir à un passé révolu et à qui il lui était certes impossible de redonner l'éclat, mais pouvoir, un matin seulement, goûter à nouveau l'ivresse de sa jeunesse fanée lui avait redonné pour un temps la chaleur et l'espoir dont son cœur s'était longuement privé. Une telle effusion de sensibilité lui rappelait qu'elle n'était pas tout à fait une bête, qu'il restait en elle la part d'humain qu'elle avait été. Cette certitude n'avait pas de prix. Lorsque sonnerait l'heure de repartir chacun de leur côté, Aurore emporterait avec elle un fragment de cette lumière qui avait illuminé sa journée. En attendant que Gabriel ne la rejoigne, immobile sous le soleil afin de se laisser sécher par ses rayons, la jeune femme se fit la réflexion que, vraiment, s'il ne le faisait pas lui-même, elle se devrait de proposer au peintre de se retrouver, un jour prochain. Cette rencontre inopinée avait glissé trop de sourires dans sa mémoire pour se laisser convaincre de n'y jamais trouver d'écho. Alors qu'il la rejoignait bientôt à la nage, Aurore continuait de se demander en quels termes elle pourrait lui faire part de son désir de donner une suite à cette amitié naissante, et se mit à espérer que le jeune noble se chargerait lui-même d'exprimer cette proposition. - Ne vous en faites point, vous ne m'effrayez en rien. Et oui, en effet, moi aussi parfois je médite, je parle à la Nature... Même si ma famille me prend souvent pour un excentrique à cause de cela. Mais, c'est la première fois que je vois la mer, aussi je préfère la forêt pour méditer, un coin clair dans les bois, une source d'eau... C'est tellement reposant et tranquillisant. Aurore rouvrit les yeux pour constater que son jeune ami venait de la rejoindre et, allongé à même le sable, profitait encore un peu du soleil pour se sécher à son tour. Sa réponse la fit sourire, sans toutefois la surprendre. Il était clair qu'un homme aussi visiblement ouvert d'esprit et curieux comme Gabriel ne pouvait se méprendre et s'offusquer sur la question qu'elle venait de lui poser. Il lui fallut un temps pour lui répondre qu'elle-même appréciait la forêt, mais que la mer lui semblait comme une vieille et proche amie à laquelle elle pouvait tout confier. Si la pénombre bienfaisante du couvert des arbres lui accordait le calme nécessaire à la méditation, les révélations qui pouvaient en découler ne prenaient que les cours d'eaux pour confidents. Parfois, à la vue d'un vol de mouettes au-dessus d'un village, son cœur se serrait à la pensée que, comme elles, ces navigatrices aériennes traversaient les pays avec dans l'âme le vaste et beau souvenir de leurs origines, qu'elles s'en allaient quitter et rejoindre au gré des saisons. Le singulier aristocrate aux mains artistes et l'éternelle enfant des mers conversèrent ainsi un long moment durant, cette agréable discussion concluant à merveille l'étonnant et agréable bout de journée qu'ils venaient de vivre, par hasard, ensembles. Si elle ignorait l'effet exact qu'elle pouvait lui avoir fait, Aurore s'émerveillait du fait que le peintre l'appréciât assez pour ne pas lui avoir faussé compagnie dès leur rencontre sur la falaise, et devinait que pour ce miracle, elle devait se montrer reconnaissante envers les maîtres du Hasard. Quant au jeune homme, elle en garderait de son côté un agréable souvenir, marquant sa mémoire de ce simple mais heureux rappel : où qu'elle aille, elle portait son passé en elle, un passé qui pouvait revivre un instant au travers de la présence d'êtres comme lui, patients, sympathiques et modestes. C'est l'espoir qui renaissait en elle. Même si le travail reprenait le jour suivant, il ne ferait pas d'elle un monstre car, dès lors qu'elle se souvenait d'avoir été pleinement humaine un temps, rien ne pouvait plus jamais la séparer de cette partie de sa nature. Lorsqu'ils furent secs, Gabriel se leva pour s'habiller et s'affairer autour de son tableau. En l'attendant, Aurore revêtit sa chemise et son pantalon, puis traîna sa cape derrière elle en rejoignant le peintre, lorsqu'il sembla prêt. Se voyant confier l'œuvre de son nouvel ami, la jeune femme ne put retenir un dernier grand sourire en le remerciant à nouveau. L'artiste passa alors la main dans ses cheveux sablonneux et lança d'un air gêné équilibré par un adorable sourire : -- Eh bien... Si jamais vous voudriez me revoir... Sachez que j'habite au boulevard Malesherbes. Vous devriez trouver ma demeure sans mal, elle est assez imposante. - Ce serait un plaisir que de vous rendre visite Gabriel,, répondit Aurore.Je n'y manquerai pas, dès que le temps me le permettra. Eh bien... Je n'ai moi-même pas de domicile particulier, aussi vous faudra-t-il attendre que je vienne à vous. Il doit être l'heure. Merci pour tout et, je l'espère, à bientôt ! Portez vous bien !
A ces derniers mots, Aurore cala la toile sous son bras droit et jeta sa cape sur l'épaule gauche puis, nonchalamment, elle glissa ses pieds dans ses bottes et reprit son chemin, le plus simplement du monde, avant de disparaître, bientôt, derrière une dune. |
| | | | Sujet: Re: La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] | |
| |
| | | | La voix de l'Océan.. [PV Aurore Le Goff] | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |
|